La Tunisie cherche à mieux contrôler le financement étranger des associations

Le Haut comité du contrôle administratif et financier (HCCAF) vient de publier son 29e rapport annuel pour l’année 2023 qui passe au peigne fin les activités de nombreux organismes publics et assimilés, dresse des constats et formule des recommandations. Dans son édition de 2023, le rapport du HCCAF s’est surtout attaqué à la délicate question du financement étranger des associations opérant en Tunisie.  (Photo: Imed Hazgui, président du HCCAF, reçu mercredi 5 février 2025, par le chef du gouvernement Kamel Maddouri).

Dans ce contexte, le rapport rappelle que plus de 13 000 associations ont vu le jour durant la période comprise entre 2011 à 2020. Une profusion associative qui a atteint son paroxysme entre 2011 et 2012 avec l’émergence de 2 868 associations, portant ainsi leur nombre à 23 320 au 10 mars 2020 et à 24 797 au 10 mai 2023, selon les données recueillies par le Centre d’information, de formation, d’études et de documentation sur les associations (Ifeda).

Le rapport fait ressortir l’existence de quatre associations de «bienfaisance» classées «suspectes» par le Secrétariat général du gouvernement qui ont continué à recevoir des fonds de source étrangère d’un montant de 23,9 millions de dinars. Ce montant vient s’ajouter à 27,7 millions de dinars qu’elles avaient reçus auparavant essentiellement du Qatar, du Koweït et de la Turquie au cours de la période 2012 – 2019.

Des associations classées suspectes

Le rapport souligne également qu’il y a des associations tunisiennes qui ont effectivement obtenu des financements directs provenant des ambassades établies en Tunisie en usant de moyens détournés à l’insu du contrôle de l’intermédiaire officiel, en l’occurrence, le ministère Affaires étrangères. 

Le rapport tient à rappeler que le financement étranger provenant des Etats, des institutions, des organisations et d’organismes régionaux et internationaux constitue une des sources de financement reconnus légalement par le décret-loi n° 88 de 2011 au profit des associations. 

Cet appui financier prend plusieurs formes, indique le rapport, citant en exemple, l’octroi direct de l’aide financière aux associations ou dans le cadre des accords de coopération internationale ou des programmes-cadres de coopération conclus entre l’Etat tunisien et les bailleurs de fonds pour le financement de programmes comportant des projets ou des activités bien déterminées.

Le HCCAF précise encore que 566 associations sur 1005 ont manifestement violé l’obligation de mettre fin aux irrégularités commises en matière de réception de fonds étrangers au cours de la période 2014-2019. Il s’agit là d’une obstination délibérée à refuser de se plier à la loi malgré les incessantes notifications adressées par le secrétariat général du gouvernement à cet effet, dénonce le rapport.

Le rapport a, en outre, fustigé un déficit criard en données actualisées concernant les flux financiers étrangers destinés aux associations. Un tel déficit n’a pas permis l’exercice d’un suivi régulier, intégral et précis de ces flux financiers, laissant ainsi des fonds étrangers d’au moins 31,8 millions de dinars passer les mailles du filet du contrôle officiel.

Serrer la vis autour des activités associatives

Le rapport indique que les efforts de suivi déployés dans le cadre de ce dossier ont abouti à une série de mesures, dont notamment, l’élaboration d’un projet de texte modifiant le décret-loi n°88-2011 relatif aux associations, tout particulièrement ses articles 41 et 45.

Le rapport exhorte, dans ce contexte, les organes de conformité relevant des banques à émettre des déclarations de suspicion contre les associations et les soumettre à la Commission tunisienne des analyses financières (Ctaf).     

Le rapport presse encore les gouverneurs à serrer la vis autour des activités associatives et à désigner des coordinateurs régionaux au niveau des gouvernorats et des coordinateurs locaux dans les délégations (274 délégations) afin d’assurer le suivi et le contrôle sur le terrain des activités associatives et soumettre périodiquement les rapports établis à cet effet à la Direction générale des associations et des partis politiques.

Le rapport conclut le dossier des financements étrangers des associations par une série de recommandations, dont notamment, un appel pressant à revoir en profondeur le cadre juridique régissant celles-ci dans le cadre d’une approche participative inclusive et la mise sur pied d’un système de contrôle et de suivi plus efficace du financement étranger des associations.

Le rapport presse aussi la Banque centrale de Tunisie (BCT) à œuvrer à transcender les difficultés d’ordre technique qui ont conduit à des données statistiques lacunaires et incomplètes.

Le ministère des Affaires étrangères a été également invité à raffermir sa coordination avec les missions diplomatiques étrangères établies en Tunisie afin d’avoir toutes les données relatives aux financements octroyés directement aux associations tunisiennes.

Avec Tap.

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