Né en 1948 à Fès, Mohammed Bennis est poète, essayiste et ancien professeur d’université. L’une des voix importantes de la modernité poétique arabe.
Ancrée dans le thourath, le patrimoine culturel arabo-musulman, marquée par le soufisme, sa poésie, exigeante, à l’écriture souvent aux élans intérieurs profonds, est largement ouverte sur la création contemporaine mondiale.
Dans Le livre de l’amour, il va sur les traces du poète andalou, Ibn Hazm (994 Cordoue-1064 Huelva), l’auteur du grand livre de l’amour, Tawq al-Hamâma (Le Collier de la Colombe), relie le présent au passé, interpelle, évoque, dialogue, invoque, dans une résonance intime et collective, l’intertextualité aidant.
Tahar Bekri
En mon temps Ibn Hazm il n’y a plus d’affinité
L’homme est enfoui dans le fossé des rendez-vous
Ou par ses pas tient-il à défendre
Des rituels
Au lieu d’être.
Et quand une étoile lui tombe sur l’épaule et rit
Il l’écrase et s’en va.
La femme est perdue entre le gaz
Et le sèche-cheveux qui n’attend pas.
Quand elle ouvre son armoire
Elle oublie un astre qui l’avait percutée
Et lui avait dit: ton baiser est désirable,
et toi tu es à moi.
Les bus
Et les ascenseurs seuls
Changent la direction des rendez-vous rapides.
Des baisers sur la joue
Des saluts d’au-revoir
Des fragments d’âmes sur le chemin.
De temps à autre des aveux de sang et de feu.
Ce sont les nouvelles de notre époque nouvelle
L’époque de notre monde
Où des nations tuent des nations
Les entrailles des innocents
Sur les saints écrans de télévision.
Des nouvelles de sang et de feu
Cachent à toi et à moi des amants morts
Ou qui vont mourir
Au nom du droit
Ou de la sécurité
Ou de la civilisation qui se laisse aux soupirs.
Ibn Hazm
Par nous ensemble l’Andalousie est perdue
Cet instant qui n’avoua ni temps ni espace
Mais qui t’a appris l’amour
Et m’a laissé son désert.
Grenade tombe chaque soir
Personne ne l’entoure de ses bras
Grenade est laissée à la neige
Devant des visiteurs venant d’une mémoire déformée
Et Cordoue
Dans la citadelle de l’oubli répète son délire.
(Extraits)
(Traduit de l’arabe par Tahar Bekri)
Mohammed Bennis, ‘‘Kitab al-Hobb’’, dessins de Dhia Al-Azzawi, préface d’Adonis, Ed. Toubkal, 1994.
Donnez votre avis