Arrivé en Écosse vendredi 25 juillet 2025, le président américain Donald Trump lâche: «L’immigration est en train de tuer l’Europe. Vous feriez mieux de vous ressaisir sinon l’Europe n’existera plus. Vous devez mettre fin à cette horrible invasion.» Cette tentative de créer une polémique est la énième tentative de diversion de Trump pour faire oublier l’affaire Epstein mais en vain. Sa stratégie de la diversion fait pschitt à chaque fois.
Imed Bahri
David Smith est revenu en détail sur la stratégie de diversion dans une analyse publiée dans le Guardian où il passe au peigne fin la méthode Trump qui pour le moment échoue complètement. L’attention de l’opinion publique demeure braquée sur l’affaire Epstein.
Il est très rare que le président Donald Trump montre le moindre signe de fébrilité. Assis dans le Bureau ovale, un journaliste l’a interrogé sur l’affaire du délinquant sexuel Jeffrey Epstein. «Je ne suis pas très bien, C’est une sorte de chasse aux sorcières», répond le président américain.
Trump continue en invoquant un complot de Barack Obama visant à truquer l’élection de 2016, accusant son prédécesseur de trahison. Et il estime que les journalistes devraient plutôt se pencher sur cette affaire.
Pourquoi l’affaire Epstein lui colle à la peau? Ce n’est pas un mystère. Trump, qui avait autrefois affirmé qu’il pouvait tirer sur quelqu’un sur la Cinquième Avenue à New York sans perdre d’électeurs, s’est tiré une balle dans le pied. Ses partisans sont en révolte ouverte contre son refus de publier les dossiers relatifs au délinquant sexuel Jeffrey Epstein et surtout la liste présumée de ses clients privilégiés.
La machine à distraction
La solution du président consiste à recourir à une stratégie bien connue: distraire, distraire et distraire.
Cette stratégie lui a été utile lors de sa plus grande crise, lors de la campagne électorale de 2016. Le jour même de la diffusion d’un enregistrement d’Access Hollywood montrant Trump tenir des propos obscènes sur les femmes, son équipe de campagne s’est emparée de la publication par WikiLeaks de milliers d’e-mails piratés sur le compte du directeur de campagne d’Hillary Clinton, John Podesta. Trump a survécu et a remporté l’élection.
Depuis, chaque fois qu’il se retrouve en difficulté, ses fans sont impatients de l’aider à tourner la page. Mais l’affaire Epstein entache l’identité politique profonde de Trump, le pourfendeur de l’État profond. Il lance à nouveau de nombreux objets brillants mais ils perdent rapidement leur éclat.
Gwenda Blair, biographe de Trump, observe: «C’est la machine à distraction qui a fonctionné par le passé qui tombe en panne. On essaie les vieilles méthodes sans succès! Ce qui se produit, c’est comme un coup de fouet massif, comme lorsqu’on est dans un véhicule en mouvement, qui avance, souvent à une vitesse assez élevée, et qu’on percute soudainement quelque chose et que notre cou se contracte brusquement avec des conséquences souvent très graves».
La machine à diversion a fonctionné à plein régime. Le 12 juillet, Trump a déclaré qu’il envisageait de révoquer la citoyenneté de l’actrice new-yorkaise Rosie O’Donnell, écrivant sur sa plateforme Truth Social: «Elle est une menace pour l’humanité et devrait rester dans ce merveilleux pays qu’est l’Irlande. QUE DIEU BÉNISSE L’AMÉRIQUE!».
Le 16 juillet, Trump a publié un article annonçant que Coca-Cola avait accepté d’utiliser du vrai sucre de canne dans son produit phare aux États-Unis, édulcoré au sirop de maïs à haute teneur en fructose depuis les années 1980. Le fabricant de boissons gazeuses a ensuite confirmé ce nouveau produit lors de l’annonce de ses résultats financiers du deuxième trimestre.
Le 17 juillet, la Maison-Blanche a offert un aperçu rare de l’état de santé du président de 79 ans. L’attachée de presse, Karoline Leavitt, a déclaré aux journalistes que sa main meurtrie était due à des «serrages de main fréquents» et que ses jambes gonflées étaient dues à une insuffisance veineuse chronique, sans que cela soit inquiétant.
S’en est suivi un week-end mouvementé sur les réseaux sociaux. Trump a publié des vidéos étranges montrant une femme attrapant un serpent dans l’herbe, une voiture glissant sous un camion roulant à toute vitesse sur une autoroute et des personnes effectuant des figures à moto et en jet-ski.
L’arme des fake news
Plus sombre encore, il a affirmé, sans fondement, que des responsables de l’administration Obama avaient fabriqué des rapports de renseignement pour affirmer que la Russie s’était ingérée dans l’élection de 2016.
Il a ensuite publié une fausse vidéo générée par intelligence artificielle montrant Obama contraint à s’agenouiller par des agents du FBI qui le menottent aux pieds d’un Trump radieux dans le Bureau ovale, puis vêtu d’une combinaison orange arpentant une cellule de prison au son de la musique du YMCA du Village People.
Trump a également publié une photo présentant de fausses photos d’identité judiciaire d’anciens responsables dont James Comey, l’ancien directeur du FBI, et Samantha Power, l’ex-directrice de l’USAID. «Comment Samantha Power a-t-elle gagné tout cet argent?», a-t-il écrit.
Et en ce qui concerne le sport, Trump a menacé de bloquer un accord pour le nouveau stade des Washington Commanders si l’équipe de football américain ne revenait pas à son nom d’origine, les Washington Redskins, un nom raciste.
Lundi, nouveau rebondissement. L’administration Trump a publié plus de 6 000 documents relatifs à l’assassinat de Martin Luther King Jr. en 1968, totalisant près d’un quart de million de pages.
Cette décision a cependant semblé se retourner contre lui, ne faisant que rappeler la capacité de Trump à divulguer tous les dossiers qu’il souhaite. Bernice King, la fille du défenseur des droits civiques, a répliqué sur X: «Maintenant, parlons des dossiers Epstein». Et Josh Johnson, animateur de l’émission The Daily Show sur Comedy Central, a réagi goguenard: «Trump est au pied du mur. Il va si mal qu’il publie toujours plus d’histoire sur les Noirs».
Mais Trump semble avoir choisi Obama et le Russiagate comme principal bouclier déflecteur. Ce geste s’attaque aux fondements de Maga, combinant une réaction raciste contre Obama et des théories du complot sur l’État profond. Il peine cependant à le faire passer. Lors de son échange mardi dans le Bureau ovale, il a affirmé qu’il existait des preuves irréfutables qu’Obama était «sédacieux», un mot qui n’existe pas.
Mercredi, Tulsi Gabbard, directrice du renseignement national, a fait une apparition surprise dans la salle de presse de la Maison-Blanche pour proférer des affirmations infondées selon lesquelles Obama et ses «conseillers traîtres» avaient fomenté un véritable coup d’État. Mais une fois de plus, cette tentative de diversion de la Maison-Blanche a été éclipsée par un article de presse selon lequel Trump aurait été informé en mai que son nom figurait dans les dossiers Epstein.
Rien à voir ici, mais regardez là-bas!
Pour une fois, la tactique du «rien à voir ici, mais regardez là-bas!» de Trump ne fonctionne pas. Reed Galen, président de The Union, une coalition pro-démocratie, déclare: «Il se trouve que la situation est différente car elle est profondément ancrée dans les croyances du mouvement. L’objectif était de renverser l’État profond. Cela montre qu’il ne le fera pas ou n’en a jamais eu l’intention et c’est très perturbant pour eux.»
Pendant ce temps, Trump a tenté de minimiser le scandale en le qualifiant de «truc ennuyeux» et en utilisant l’un de ses mots préférés: «canular». Plus révélateur encore, il a tenté de faire passer Epstein pour une vieille histoire, en se plaignant: «Vous parlez encore de Jeffrey Epstein? On parle de lui depuis des années».
Pourtant, il est toujours pris en échec et mat. Le président, dont tout le jeu repose sur la nostalgie (Alcatraz, le charbon, les pailles en plastique, les Redskins), n’a jamais hésité à revenir sur d’anciens griefs concernant les élections de 2016 et 2020 lorsque cela lui semblait opportun. Ce n’est que maintenant qu’il découvre que les théories du complot se développent et se métastasent mais qu’elles ne meurent jamais.
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