Ce vendredi 15 août 2025, le président américain Donald Trump rencontrera en tête à tête son homologue russe Vladimir Poutine en Alaska, ce rendez-vous a réveillé le souvenir de la précédente rencontre entre les deux hommes qui a eu lieu en juillet 2018 en Finlande. Trump était sorti de ce tête à tête donnant l’impression d’avoir été manipulé par l’ancien espion du KGB devenu maître du Kremlin. Aujourd’hui le monde et surtout les pays occidentaux retiennent leur souffle craignant que le président américain n’offre l’Ukraine sur un plateau à Poutine. (Ph. Poutine, l’homme qui chuchote dans l’oreille de Trump).
Imed Bahri
Dans une analyse consacrée à ce grand rendez-vous international, Andrew Roth, le correspond du Guardian à Washington, a commencé par ces mots: «Les leçons d’Helsinki sont claires: réunir Donald Trump seul avec Vladimir Poutine est une affaire imprévisible et souvent dangereuse».
C’était en 2018, lorsque les deux dirigeants se sont rencontrés à l’invitation de Sauli Niinistö, le président finlandais, pour discuter, entre autres, de la dégradation des relations américano-russes, des accusations d’ingérence électorale et de la guerre acharnée dans l’est de l’Ukraine.
Trump désavoue ouvertement la CIA
À sa sortie de la salle, Trump semblait ébloui par le chef du Kremlin. Interrogé lors d’une conférence de presse sur les conclusions des services de renseignement américains selon lesquelles la Russie s’était ingérée dans les élections, Trump a déclaré : «Le président Poutine dit que ce n’est pas la Russie. Je ne vois aucune raison pour que ce soit le cas». Il avait par conséquent humilié la CIA en la désavouant publiquement en donnant raison à Vladimir Poutine.
Cet épisode avait donné des sueurs jusqu’au premier cercle de Trump. Fiona Hill, conseillère principale au Conseil de sécurité nationale des États-Unis à l’époque, a déclaré plus tard qu’elle avait envisagé de déclencher l’alarme incendie ou de simuler une urgence médicale pour mettre fin à la conférence de presse.
D’une certaine manière, les enjeux sont encore plus importants puisque Trump et Poutine prévoient de se rencontrer ce vendredi à Anchorage, en Alaska. Trump a déclaré que les deux hommes discuteraient d’un «échange de territoires» lors de la première rencontre de Poutine avec un dirigeant du G7 depuis son invasion de l’Ukraine en février 2022. Les dirigeants européens craignent que Trump ne sorte une fois de plus d’une réunion à huis clos en prêchant la bonne parole du Kremlin.
La Maison Blanche a revu à la baisse ses attentes concernant le sommet, signe qu’aucun accord concret n’est sur la table. «Il s’agit vraiment d’une réunion de tâtonnement», a déclaré Trump lors d’une conférence de presse lundi. Il a ajouté qu’il saurait dès les premières minutes si Poutine était prêt à un cessez-le-feu et qu’il en informerait Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine, et les dirigeants européens. «Je pourrais dire: Bonne chance, continuez à vous battre. Ou bien je pourrais dire: Nous pouvons trouver un accord», a-t-il déclaré.
L’absence remarquable des Européens
Toutefois, Poutine tentera tout de même de façonner l’image que Trump se fait d’un accord de paix, de manière à ce qu’il profite au maximum au Kremlin. «Poutine veut un accord avec Trump qui sera présenté à Kiev et aux autres capitales européennes comme un fait accompli», a écrit John Herbst, directeur principal du Centre Eurasie de l’Atlantic Council et ancien ambassadeur en Ukraine. Il ajoute: «L’absence d’invitations pour les dirigeants européens rappelle la conférence de Yalta de 1945 où les États-Unis, l’Union soviétique et le Royaume-Uni ont décidé du sort de la moitié de l’Europe sans tenir compte de ces nations».
L’Europe et l’Ukraine ont réagi. Avant le sommet, Zelensky a déclaré que l’Ukraine ne céderait pas de territoire à la Russie qu’elle pourrait utiliser pour lancer une nouvelle offensive, infirmant ainsi les prédictions de Trump selon lesquelles «il y aura des échanges [de territoires]».
Le caractère erratique de Trump qui se répercute en matière de politique étrangère peut faire le jeu des adversaires étrangers des États-Unis mais il les a également frustrés. On dit que des dirigeants comme le président chinois Xi Jinping préfèrent travailler plus en amont avant de rencontrer Trump, notamment en raison de son imprévisibilité. La Russie est elle aussi frustrée par le manque de rigueur de l’administration Trump. Cependant, cela n’a pas empêché Poutine de tenter sa chance en s’entretenant avec Trump pour leur premier tête-à-tête sous cette administration.
Trump préfère écouter et improviser
Karoline Leavitt, porte-parole de la Maison Blanche, a déclaré mardi que la rencontre entre Trump et Poutine serait un tête-à-tête, un exercice d’écoute pour Trump, au cours duquel il pourrait cerner le point de vue russe.
«C’est comme ça que Trump procède. Il improvise. Et Poutine aime les échanges, il se targue de sa capacité à réagir rapidement dans ce genre de situation», a déclaré Fiona Hill.
L’absence de conseillers dans la salle a soulevé une question essentielle: les accords conclus en privé, même en présence d’interprètes ou d’autres preneurs de notes, aboutiront-ils à des résultats durables? «C’est un peu comme une réunion qui tombe dans la forêt», a déclaré Hill.
Un événement similaire s’est produit lors du sommet d’Helsinki, lorsque Trump a quitté la salle et a déclaré avoir conclu un accord avec Poutine pour que les forces de l’ordre américaines aient accès aux agents du GRU (renseignement militaire russe) accusés d’influencer les élections américaines. Poutine a ensuite déclaré qu’il aurait accès aux Américains responsables de l’adoption de la loi Magnitski anticorruption.
«Bien sûr, cela n’a mené à rien. Trump n’avait pas pleinement compris ce que Poutine lui avait dit», précise Fiona Hill qui a ajouté: «En d’autres termes, vous savez, il y a une réunion ou quelque chose comme ça, mais ça ne se concrétise pas».
Autrement dit, cette fois-ci ça sera un show Trump mais concrètement il ne faudra pas se faire d’illusion et s’attendre à un épilogue juste entre les deux belligérants, ça sera ou bien la paix du vainqueur avec les conditions de Poutine ou rien du tout.
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