L’islam politique n’est pas vaincu en Tunisie  

La scène rocambolesque de prière collective dans la cour d’un établissement scolaire public à Hammamet à laquelle nous eûmes droit il y a quelques jours via les réseaux sociaux a marqué, à sa manière, la rentrée politique 2025/2026 en Tunisie. De par sa symbolique, ses visées et le contexte général très tendu dans lequel elle eut lieu, elle nous interroge sur l’évolution de notre société, pas encore débarrassée des «séquelles» de l’islam politique qui y a régné entre 2011 et 2021. 

Raouf Chatty *

Au terme de quatre ans d’exercice sans partage du pouvoir politique, les autorités en place semblent avoir été prises de court par un événement qui n’a pas fini de susciter des interrogations sur sa portée éminemment politique. 

En effet, fruit d’une mise en scène savamment orchestrée, la prière collective dans la cour d’un établissement scolaire étatique à Hammamet, célébrée par des élèves visiblement embrigadés par des agitateurs islamistes, n’a pas fini de susciter des interrogations sur ses tenants et des aboutissants. Elle vient rappeler que les islamistes n’ont pas été mis hors d’état de nuire, qu’ils sont loin d’avoir abandonné leurs vieilles méthodes entristes et qu’ils aspirent même à revenir sur les devants de la scène politique. Chassés par la porte de l’Assemblée, où ils ont régné sans partage pendant toute une décennie dite noire, ils tentent aujourd’hui de revenir par la fenêtre des écoles et des mosquées.

A la reconquête du pouvoir

Pour les commanditaires de la fameuse prière collective dans la cour du lycée Mohamed Boudhina de Hammamet, il s’agissait clairement de narguer le pouvoir en place, de tester ses capacités de réaction et de préparer d’autres actions similaires à l’avenir. Les islamistes, car c’est d’eux qu’il s’agit, ne désespèrent pas en effet de la reconquête du pouvoir politique. Chassés du pouvoir par les masses populaires le 25 juillet 2021 au terme d’une décennie de gestion catastrophique des affaires publiques, ils croient que la situation générale dans le pays est suffisamment pourrie pour qu’ils envisagent leur retour et s’y préparent à leur manière : par l’activisme socio-politique. 

Si la fameuse prière collective des lycéens de Hammamet est en apparence un acte anodin, il n’en est pas moins cynique, calculé et dangereux. Il prouve, s’il en est besoin, que les islamistes croient pouvoir embobiner encore une fois les Tunisiens, en recourant aux mêmes méthodes cyniques et démagogiques de l’agitation religieuse. Au risque de dénaturer les nobles valeurs de l’islam et d’offrir de cette religion une image pitoyable. 

Reprise en main du champ de la foi

L’embrigadement des jeunes, on le sait, fait partie des méthodes utilisées par les islamistes pour imposer leur loi à la société. La prière collective, dont le déroulement a été savamment planifié, devait marquer un moment important dans le processus de reprise en main du champ de la foi. Qui plus est, à une période marquée par un climat social très tendu et de grandes difficultés économiques et sociales. Le moment, à savoir la rentrée scolaire, a également été bien choisi pour frapper la conscience des millions d’élèves, d’enseignants et de parents. L’objectif étant de faire sortir leur mouvement de l’oubli dans lequel il a sombré ces dernières années et occuper de nouveau une scène politique laissée désespérément vide par un pouvoir politique hostile aux partis, aux associations et aux corps intermédiaires d’une façon générale.

Pour remplir ce vide, l’Etat doit sortir de sa léthargie et organiser un débat national auquel seront associées toutes les forces politiques civiles et progressistes et les grands partenaires sociaux et économiques. Le débat devrait porter sur le caractère civil de l’Etat, l’école républicaine et le principe d’égalité entre l’homme et la femme. 

* Ancien ambassadeur.  

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