La coronarographie est cette technique invasive diagnostique permettant l’évaluation de visu des artères coronaires. En Tunisie elle n’est remboursable que lorsqu’elle est suivie d’une chirurgie cardiaque, et non pas d’angioplastie. Dans notre pays, le problème de son remboursement n’a jamais été résolu.
Par Dr Mounir Hanablia *
Au cours des années 90, l’Etat avait décidé de mettre fin au traitement à l’étranger des cardiaques tunisiens, coûteux pour les finances du pays, en codifiant le remboursement des actes curatifs de la cardiologie par les caisses de prestations sociales. Il s’agissait d’une expérience pionnière préalable à la libéralisation de la profession médicale par un véritable réseau de cliniques couvrant une grande partie du territoire. Il s’agissait d’obéir aux recommandations des experts de la Banque Mondiale et pour différentes raisons la cardiologie avait servi de vecteur à ce changement radical.
Pourtant, la coronarographie n’avait pas été inclue dans le deal; ou plutôt le remboursement qui lui avait été alloué dès le départ avait été réduit à la portion congrue, n’en couvrant nullement le coût réel. Le résultat en avait été que seuls les patients suffisamment fortunés ou affiliés à des assurances maladies complémentaires (grandes sociétés, banques) eussent bénéficié de coronarographies dans les cliniques privées, le reste des patients étant soumis à des délais parfois prohibitifs pour des rendez-vous dans les hôpitaux publics.
Morts d’attendre
A ma connaissance, il n’y a jamais eu d’étude publiée pour déterminer combien de patients étaient entre-temps morts d’attendre.
Pourquoi les coronarographies étaient-elles pratiquées à perte dans les cliniques privées? Étant lié aux assurances maladies par des conventions sectorielles, l’hôpital public n’était redevable que de son bilan financier global. Qui plus est les pertes en ont été des années durant garanties par l’Etat. Mais le résultat de cette politique fut que la majorité des coronarographies furent pratiquées dans l’hôpital public alors que les actes curatifs générateurs de bénéfices qui auraient pu en amortir les pertes (chirurgie cardiaque, angioplasties coronaires) intégralement remboursés par les caisses, étaient transférés vers les cliniques privées.
Les temps étant désormais plus difficiles, certaines sociétés, qui avaient jusque-là assumé les coûts financiers des explorations de leurs agents dans le secteur libéral, en sont inévitablement venues à réviser leurs choix dans le but de réaliser des économies, ou de faire face à des déficits financiers importants, que l’Etat est désormais incapable de combler. Ainsi le remboursement de la coronarographie suscite-t-il désormais une controverse que la lecture de la nomenclature des actes médicaux ne dissipe pas.
Conflits d’intérêts
En effet, dans la rubrique des explorations cardiaques, cette nomenclature ne mentionne pas expressément la coronarographie, ce qui démontre là encore le caractère prémédité de l’omission. On parle simplement de cathétérisme gauche avec ou sans mesure de pression, acte dont le remboursement est modique.
Par contre, dans la rubrique ‘radiologie’, l’artériographie numérisée sélective correspond bien à la coronarographie, et son remboursement en assume honnêtement la totalité des frais.
Il demeure nécessaire de savoir pourquoi un acte médical assumé financièrement en totalité dans le domaine de la radiologie soit purement et simplement escamoté dans celui de la cardiologie, et son remboursement amputé. Mais le fait est là. Par le biais d’un écrit ayant force loi réalisé il y a une trentaine d’années par des experts ayant, il faut le dire, des conflits d’intérêts, des salariés ne peuvent plus désormais se faire explorer dans les meilleures conditions, ainsi qu’ils en avaient eu l’habitude.
Il y a donc une utilité publique certaine à réviser l’actuel tableau de la nomenclature des actes médicaux loin des conflits d’intérêts, dans le sens de l’objectivité, afin de rendre à une exploration prestigieuse son indépendance et sa noblesse.
* Médecin de libre pratique.
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