Des évaluations secrètes des différentes agences américaines du renseignement rapportées par le Wall Street Journal dimanche 21 janvier 2024 affirment que les pertes subies par le Hamas sont bien en-deçà des objectifs israéliens et que ses moyens humains et matériels peuvent lui permettre de se maintenir encore dans les combats face à l’armée israélienne. Après 107 jours de guerre, le Hamas est loin d’être à genoux… (Ph. Mohammed Saber/EPA).
Par Imed Bahri
Les évaluations des différents services de renseignement américains indiquent qu’Israël a tué entre 20 et 30% des combattants du Hamas, un bilan qui diffère de ce que prétend le gouvernement israélien qui parle de destruction complète du Hamas, de démantèlement de ses capacités militaires et de ses capacités à gouverner Gaza.
L’évaluation américaine révèle également qu’après des mois de combats, le Hamas conserve encore des munitions qui lui permettent de frapper Israël et les forces israéliennes à Gaza pour les mois à venir.
Selon cette évaluation, les combattants du Hamas ont adapté leurs méthodes militaires, combattant en petits groupes et se cachant derrière des embuscades contre les forces israéliennes. Des combattants agissent aussi individuellement effectuant davantage de missions afin de poursuivre celles de leurs camarades tués.
L’armée israélienne affirme que les attaques du Hamas pourraient se poursuivre pendant des mois. La perspective de survie du Hamas a soulevé un certain nombre de questions en Israël, dans les territoires palestiniens et à l’étranger quant à la capacité d’Israël à atteindre les objectifs de la guerre.
Dans le même temps, l’administration Biden a commencé à revoir à la baisse ses attentes concernant cette guerre, il est désormais question d’affaiblir le Hamas en tant que menace pour la sécurité d’Israël plutôt que sa destruction complète et les États-Unis ont exhorté Israël à modifier le cours de la guerre en se concentrant à cibler les dirigeants du Hamas.
Inefficacité de l’offensive israélienne
Dans la doctrine de l’armée américaine, la perte par une armée régulière de 25 à 30% de ses forces entament son efficacité mais le Hamas est une force de combat irrégulière qui s’engage dans une guerre défensive dans des rues à forte densité de population et qui de surcroît possède la capacité de se déplacer dans des tunnels souterrains qui s’étendent sur plusieurs kilomètres. Il a montré sa capacité à poursuivre les combats mais les pertes ont mis la pression sur le mouvement, explique Joseph Votel, général américain à la retraite et ancien commandant des opérations américaines au Moyen-Orient et «peut-être qu’un combattant doit effectuer deux ou trois missions».
Autre élément qui montre l’inefficacité de l’offensive israélienne, Israël craint que le Hamas ne réaffirme son autorité dans les zones non contrôlées par l’armée israélienne et l’appareil sécuritaire du Hamas est revenu dans les zones d’où l’armée s’est complètement retirée.
Les estimations israéliennes des pertes du Hamas restent quant à elles plus élevées que celles des différentes agences de renseignements américaines puisque l’armée israélienne affirme avoir tué 9 000 combattants, soit 1 000 combattants de plus et 30% de la force de combat du Hamas.
L’estimation du nombre de membres du Hamas blessés et transportés du champ de bataille est bien plus élevée que l’estimation américaine également. Les Israéliens estiment que 16 000 combattants ou plus ont été blessés dans les combats dont la moitié sont retournés se battre selon un haut responsable militaire israélien. Les autorités américaines estiment le nombre de combattants blessés entre 10 500 et 11 700 dont beaucoup finiront par retourner à la guerre.
Il est important de savoir que les évaluations des renseignements américains concernent uniquement la branche militaire du Hamas en l’occurrence la brigade Ezzeddine Al-Qassam, elles ne prennent pas en compte Saraya Al-Quds -la branche armée du Jihad Islamique- forte de 12 000 combattants très bien entraînés et équipés ainsi que les autres factions palestiniennes armées présentes dans la bande de Gaza.
La victoire est quasi-impossible
Ce qui est saisissant dans ces évaluations américaines concernant le Hamas comme celles concernant les Houthis sur lesquelles nous sommes revenues dans un précédent article intitulé «Les Houthis: ‘‘Nous sommes en guerre contre les États-Unis et la Grande-Bretagne’’» ou encore les analyses du renseignement militaire américain concernant les capacités israéliennes à faire face au Hezbollah que nous avons abordées dans l’article «Les États-Unis inquiets pour Israël en cas de guerre contre le Hezbollah» est que ces guerres livrées par des puissances comme les États-Unis ou par Israël, dont l’armée est sous perfusion américaine permanente, à des mouvements armés et non des armées régulières sont devenues des casse-tête où la victoire est quasi-impossible.
Les guerres asymétriques sont plus compliquées, plus longues et plus difficiles que les guerres conventionnelles. Israël malgré l’énorme soutien américain intarissable et le ravitaillement en armes les plus sophistiquées qui ne s’est pas arrêté et malgré l’aide en matière de renseignement par les États-Unis et d’autres pays occidentaux dont le Royaume-Uni n’a pas pu remporter une seule victoire ou atteindre le moindre objectif face au Hamas et les autres factions palestiniennes.
Les mouvements palestiniens se sont révélés coriaces et résilients face à la machine de guerre israélienne bien qu’elle soit dopée en permanence par ses protecteurs occidentaux. La réalité du terrain s’est imposée à eux et aujourd’hui leur allié américain le reconnaît dans les évaluations de ses différentes agences de renseignement.
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