Le poème du dimanche : ‘‘Je parle avec ma mère’’ de Antonio Gamoneda

Antonio Gamoneda a composé une œuvre poétique considérée aujourd’hui comme parmi les plus importantes d’Espagne. Sa voix est grave et mélancolique, attentive à la condition du peuple, elle dit son engagement humain et moral.

Né en 1931 dans les Asturies, en Espagne, Gamoneda perd son père un an après sa naissance. Jeune, il vit avec sa mère la pauvreté, la condition difficile des banlieues ouvrières, la guerre civile et la période sombre du franquisme. Autodidacte, il réussit à se faire une place dans la culture et occupera quelques charges.

Tahar Bekri

Maman : tu es maintenant silencieuse

comme l’habit de qui nous a quittés.

Je fixe le bord blanc de tes paupières

et je ne peux penser.

Maman : je veux tout oublier

Au fond d’une respiration qui chante.

Passe-moi tes grandes mains sur la nuque tous les jours

Pour que ne revienne

La solitude

Je sais que sur chaque visage

On voit le monde. Ne va plus

chercher sur les murs, maman.

Regarde le visage que tu aimes :

Dans chaque visage humain,

mon visage.

J’ai senti tes mains

Perdu au fond des êtres humains je t’ai sentie

comme tu sentais mes mains avant ma naissance.

Maman, ne recommence plus à me cacher la terre

Telle est ma condition

Et mon espoir

Traduit du castillan par Jacques Ancet