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Le poème du dimanche : ‘‘Le crime a eu lieu à Grenade’’ d’Antonio Machado

Antonio Machado (1875 à Séville-1939 à Collioure) est un des plus grands poètes espagnols. Il a appartenu au mouvement littéraire espagnol nommé «Génération de 98», mélangeant la rêverie mélancolique et raffinée à l’inspiration terrienne.

Poète engagée en faveur des républicains, et lorsqu’il apprend l’assassinat de Federico Garcia Lorca le 19 août 1936, le deuxième plus grand poète espagnol et son ami, il est profondément touché et écrit un poème en sa faveur nommé ‘‘Le crime a eu lieu à Grenade’’ qui raconte comment s’est passé la mort de Lorca. Grenade fut l’une des premières villes prises par les nationalistes. Trois ans plus tard, il mourut lui-même sur le chemin de l’exil, à 64 ans, trois jours avant sa mère. Ils venaient de passer la frontière franco-espagnole.

* * *

‘‘Le crime a eu lieu à grenade’’

A Federico Garcia Lorca

I

On le vit, avançant au milieu des fusils,
Par une longue rue, Sortir dans la campagne froide,
Sous les étoiles, au point du jour.
Ils ont tué Federico
Quand la lumière apparaissait.
Le peloton de ses bourreaux
N’osa le regarder en face.
Ils avaient tous fermé les yeux ;
Ils prient : Dieu même n’y peut rien !
Et mort tomba Federico
– du sang au front, du plomb dans les entrailles –
… Apprenez que le crime a eu lieu à Grenade
– pauvre grenade! -, sa Grenade…

II

Le poète et la mort
On le vit s’avancer seul avec Elle,
sans craindre sa faux.
– Le soleil déjà de tour en tour ; les marteaux
sur l’enclume – sur l’enclume des forges.
Federico parlait ;
il courtisait la mort. Elle écoutait
« Puisque hier, ma compagne résonnait dans mes vers
les coups de tes mains desséchées,
qu’à mon chant tu donnas ton froid de glace et à ma tragédie
le fil de ta faucille d’argent,
je chanterai la chair que tu n’as pas,
les yeux qui te manquent,
les cheveux que le vent agitait,
les lèvres rouges que l’on baisait… Aujourd’hui comme hier, ô gitane, ma mort,
que je suis bien, seul avec toi,
dans l’air de Grenade, ma grenade !»

III

On les vit s’éloigner…
Taillez, amis,
Dans la pierre et le rêve, à l’Alhambra,
Une tombe au poète,
Sur une fontaine, où l’eau pleure,
et, éternellement dise : sa Grenade.

Les Chemins

De la ville mauresque
par-delà les vieux murs,
je contemple l’après-midi tranquille,
seul avec mon ombre et ma peine.

*

La rivière court
au milieu des jardins ombragés
et des oliviers gris,
par les champs joyeux de Baeza.

Ils abritent les vignes aux branches dorées
sur des cépages rouges.
Guadalquivir, comme un coutelas cassé
et dispersé, brille et miroite.

Ailleurs, les montagnes ensommeillées
enveloppées dans la brume,
dans le brouillard de l’automne, maternelle; reste
les masses grossières des êtres de pierre
en ce chaleureux après-midi de novembre,
après-midi contemplatif, livide et violet.

*

Le vent a secoué
la route des ormes,
dans des remous tourbillonnent
la poussière de la terre.
la lune se lève
meurtrie, haletante et pleine.

*

Les chemins blancs
se coupent et se fuient,
à la recherche des hameaux disséminés
de la vallée et de la montagne.
Les chemins du camp ….
Oh non ! Je ne peux marcher avec elle !

Champs de Castille

Un jour tu la verras,
dit l’espérance,
si tu sais espérer.
Et la désespérance :
elle n’est rien
que ta souffrance.
Et le cœur bat…
La terre n’a pas
tout emporté…

Savoir attendre
Il faut savoir attendre,
attends le flux de la marée,
– comme une barque sur le rivage -,
sans que le départ t’inquiète.
Quiconque attend
sait que la victoire est à lui ;
car la vie est longue et l’art est un jouet.
Et si la vie est courte
et si la mer n’arrive à ta galère
attends sans partir et espère toujours,
car l’art est long et, d’ailleurs,
c’est sans importance.

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