Alors qu’Israël a attaqué, samedi 21 juillet 2024, le port de Hodeïda au Yémen ainsi que des entrepôts de carburant et une centrale électrique, et ce en réponse au drone kamikaze Jaffa du groupe yéménite Ansar Allah alias les Houthis qui s’est abattu sur Tel Aviv dans la nuit du jeudi à vendredi, les analystes israéliens ne sont pas convaincus que cette attaque foudroyante israélienne puisse rétablir la dissuasion d’Israël auprès des Houthis ou intimider ces derniers, et ce pour un certain nombres de raisons.
Imed Bahri
L’Institut d’études sur la sécurité nationale de l’Université de Tel Aviv s’est demandé si le drone Jaffa, drone des Houthis qui a frappé Tel Aviv dans la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 juillet, n’avait pas pour objectif de renforcer le pouvoir des Houthis dans le camp pro-iranien qui est surnommé le camp de la résistance estimant que réagir en bombardant Hodeidah était d’abord un message destiné à Washington avant que ce n’en soit un à l’Iran.
L’Institut israélien a estimé que le bombardement de Hodeidah, contrairement à ce que prétendent les observateurs et commentateurs israéliens, ne signifie pas couper l’axe de la contrebande et de l’acheminement des armes de l’Iran vers les Houthis au Yémen. ll estime que la contrebande va se poursuivre, tout comme les frappes aériennes ne dissuaderont pas les Houthis de continuer à cibler Israël mais qu’au contraire, elles pourraient l’enflammer. D’ailleurs, le leader des Houthis, Abdelmalek Al-Houthi a estimé que l’agression directe d’Israël contre le Yémen ne restaurerait pas la dissuasion perdue par Israël mais contribuerait plutôt à l’escalade.
L’escalade
Concernant les objectifs de l’attaque de Hodeidah, l’Institut ajoute: «Les responsables israéliens affirment que le raid contient un message à la région, en particulier à l’Iran et à ses alliés, qu’Israël n’acceptera pas une frappe visant ses citoyens et qu’il sait comment frapper loin de ses frontières.»
D’autre part, l’Institut israélien estime que l’Iran est conscient des capacités de l’armée de l’air israélienne, soulignant que le raid sur Hodeidah n’avait pas pour objectif de fournir un exemple de ces capacités. Il poursuit: «Le message d’Israël s’adresse aux pays arabes modérés, à l’Occident et plus particulièrement aux États-Unis qui dirigent depuis neuf mois une coalition internationale en mer Rouge dans le cadre d’une tentative de faire face aux attaques des Houthis tout en évitant une escalade qui conduise à un conflit régional.» Et c’est cette réponse américaine depuis neuf mois qu’Israël considère comme timorée et inefficace.
L’Institut affirme que le message d’Israël à la coalition internationale est que la politique de «containment» des Houthis a échoué et que le groupe yéménite devrait être frappé avec plus de force. Il a ajouté: «Le port de Hodeidah est l’artère économique de l’oxygène pour les Houthis et le bombarder nuirait à leur économie et les affecterait d’autant plus qu’ils souffrent déjà des sanctions américaines.» Cependant ce que les Israéliens oublient ou feignent d’oublier c’est que les Américains ont beaucoup d’intérêts dans le Moyen-Orient et que s’ils jouent l’escalade avec les Houthis, ces intérêts sont à la portée des missiles et des drones du groupe yéménite. De même, l’Institut israélien estime qu’«Israël aura du mal à mobiliser ouvertement des pays arabes contre les Houthis car ils craignent leurs réactions et celle de l’Iran».
L’Institut s’est intéressé au drone Jaffa et estime qu’il constitue une nouvelle étape dans la guerre d’usure de l’Axe de la résistance contre Israël. Il affirme que les drones présentent des avantages structurels qui alourdissent le processus de détection précoce: les drones ne laissent pas d’empreinte claire en raison des matériaux dont ils sont fabriqués et en raison de leur taille relativement petite, de leur maniabilité, de leur flexibilité en vol et de leur vol à basse altitude. Il souligne également que la détection précoce représente un défi technologique avec de nombreuses possibilités de fausses alertes et la possibilité de pénétrer dans les couches du système de défense.
La ceinture de feu
L’Institut israélien attire l’attention sur l’expérience accumulée par les Houthis lors de la guerre menée par l’Arabie saoudite au Yémen et sur leur capacité à fabriquer eux-mêmes des armes avec le soutien de l’Iran ce qui explique leur succès à continuer de tirer constamment contre Israël et les cibles britanniques et américaines dans la mer Rouge.
L’Institut israélien affirme que sans l’arrêt de la guerre contre Gaza et quelle que soit la réponse d’Israël aux drones yéménites, les Houthis poursuivront leurs attaques contre Israël renforçant par ricochet leur position dans l’Axe de la résistance et soulignant la nécessité internationale de régler le problème du Yémen.
D’ailleurs, les Houthis eux-mêmes ainsi que l’ensemble des composantes de l’Axe de la résistance estiment que la seule solution pour que leurs opérations s’achèvent est la fin de la guerre israélienne menée à Gaza depuis bientôt dix mois. L’institut conclut de ce fait qu’il n’existe pas de solutions militaires magiques pour faire face à la question des Houthis au Yémen.
Benjamin Netanyahu peut donc poursuivre son entêtement dans sa folie belliqueuse à frapper, bombarder et ouvrir chaque jour de nouveaux fronts, il ne parviendra à battre aucun adversaire, c’est ce qu’on voit déjà depuis presque dix mois avec le Hamas à Gaza et avec le Hezbollah sur la frontière israélo-libanaise, l’armée israélienne n’impressionne ni les combattants palestiniens ni les combattants libanais et ce ne sont surtout pas les Yéménites, qui sont des guerriers aguerris et qui ne sont pas du genre à se laisser intimider, qui vont baisser les bras face à l’adversité.
Le génocidaire israélien et sa clique sont encore aveuglés par une vision caduque et dépassée selon laquelle la dissuasion par la force apportera la domination psychologique sur les adversaires régionaux d’Israël et qu’ainsi ces derniers n’oseront plus l’attaquer.
Cette vision a été battue en brèche le 7 octobre dernier avec l’opération Déluge d’Al-Aqsa et l’est encore chaque jour. D’autant plus que dans le cas des Houthis, mis à part le fait que ce sont des combattants résilients, en faisant la guerre à Israël, ils renforcent leur place dans l’Axe de la résistance. Il ne faut pas perdre de vue cet élément géostratégique capital.
Par ailleurs, les Houthis n’agissent pas d’une manière isolée et impulsive comme certains pourraient le penser, ils s’inscrivent dans une stratégie régionale établie par l’Iran et théorisée par Qassen Soleimani qui est la Ceinture de feu visant à encercler Israël. Et plus l’arrogant Netanyahu croit en découdre en poursuivant interminablement les guerres sanglantes sur tous les fronts, plus il s’enfonce dans le piège tendu par l’Axe de la résistance et plus la Ceinture de feu va serrer autour d’Israël.