Les deux priorités de la diplomatie tunisienne

Les questions de la diplomatie économique et des communautés  nationales à l’étranger figurent en tête des priorités de la politique étrangère du gouvernement tunisien.

Raouf Chatty *

La conférence  annuelle des chefs de missions diplomatiques et consulaires qui s’ouvre aujourd’hui à Tunis saura leur porter une attention particulière. Car il s’agit  de deux domaines qui concernent directement le développement global de la Tunisie et le bien-être de ses populations, qui vivent en Tunisie ou qui résident à l’étranger.

Tous les diplomates savent bien que leurs missions consistent essentiellement dans la promotion de la diplomatie économique dans ses diverses dimensions et la défense des intérêts de la communauté tunisienne établie à l’étranger, et qui représente aujourd’hui plus du dixième de la population globale du pays.

Ils savent également que ces deux tâches cruciales doivent occuper leur quotidien et comptent beaucoup dans les évaluations dont ils feront l’objet. 

Pour ce faire et afin qu’ils puissent s’acquitter au mieux de leurs missions, les chefs  de postes ont besoin de feuilles de routes claires fixant des domaines précis adaptés au potentiel économique global et à l’environnement géostratégique, économique et technologique dans le pays de leur accréditation respectif et des contraintes auxquelles ils font face. 

Etablir des échelles de priorités d’actions

Ainsi, ces chefs de poste pourront consacrer leurs activités à ces domaines, ce qui  permettrait à notre appareil diplomatique et consulaire à l’étranger de faire du travail ciblé, lui fera gagner un temps très précieux, et beaucoup de ressources financières, et lui évitera ainsi les doubles emplois.

A cet effet, il est très souhaitable que le ministère  des Affaires étrangères, en particulier la Direction générale de la diplomatie économique, les directions générales à caractère économique et les organismes officiels économiques et commerciaux compétents se penchent, sous la coordination  du ministère des Affaires étrangères, sur ce travail d’identification, d’orientation et d’aiguillage de nos missions.

Il incombe à tous ces organismes, en coordination avec nos missions diplomatiques et consulaires, d’établir des échelles de priorités d’actions en diplomatie économique pour chaque mission diplomatique et consulaire. 

Cette action permettra à l’administration centrale de fixer ses attentes par rapport à chaque mission diplomatique, et de la doter d’un contrat par objectifs adapté au cas par cas. 

Le niveau des attentes de l’administration centrale doit légitimement varier d’une mission diplomatique et consulaire à une autre, en fonction du  potentiel économique global et du degré de développement économique et technologique de chaque pays d’accréditation en  général…

On ne demande pas à un ambassadeur affecté auprès d’une puissance économique, comme le Japon, la Chine, l’Allemagne ou la France, ce qu’on demande à son collègue affecté dans un pays en développement ou dans un pays à faibles ressources !

Ces contrats par objectifs doivent bien sûr tenir compte de l’offre tunisienne dans  tous les domaines et des capacités générales de notre pays à répondre aux  demandes du marché international, tout comme de nos capacités de tirer parti de la compétition internationale pour réussir du mieux possible à déployer de manière   judicieuse notre diplomatie économique..

Plusieurs pays occidentaux recourent à cette méthode dans l’établissement de  feuilles de route pour leurs missions diplomatiques. Bien plus, ils présentent ces  feuilles de route à leurs candidats ambassadeurs avant  de les nommer à leurs postes, ce qui les met d’emblée face à leurs responsabilités. Ainsi, ils/elles savent à quoi s’en tenir… 

La force économique des expatriés et des binationaux

Par ailleurs, la conférence annuelle des chefs de missions diplomatiques et consulaires doit accorder la même attention à la question des communautés tunisiennes à l’étranger, qui  sont aujourd’hui près de deux millions de personnes. 

Cette communauté, qui a beaucoup changé, est de plus en plus composée de binationaux et de compétences avérées. Elle est également une composante essentielle de la diplomatie tunisienne et un levier majeur de notre politique  étrangère. D’où la nécessité pour le ministère des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, tout comme  pour  les organismes publics compétents, de savoir mettre à profit cette force humaine et économique  inestimable et précieuse pour son bien comme pour le bien des Tunisiens en général. 

Cela passe impérativement par l’élaboration d’études scientifiques coordonnées qui pourraient être confiées à une commission composée de hauts fonctionnaires du département et de cadres supérieurs des organismes publics concernés, avec un mandat précis, à charge pour elle de faire preuve d’imagination, de réalisme et de savoir sortir des sentiers battus.

Il y a fort à parier que la conférence des ambassadeurs et des consuls de Tunisie est pleinement consciente de ces défis et qu’elle saura les relever pour être au diapason de la volonté du président de la république, qui a toujours exhorté notre diplomatie à faire de son mieux pour contribuer au développement et du bien-être  de notre pays. 

* Ancien ambassadeur.

error: Contenu protégé !!