Pour le Premier ministre espagnol, l’immigration est «synonyme de richesse»

L’Espagne est en passe de devenir la conscience d’une Europe qui sombre dans l’extrémisme et l’intolérance. Ses positions, notamment sur la guerre à Gaza et, plus récemment, sur l’immigration se distinguent clairement de celles de la plupart des autres Etats européens gouvernés, directement ou indirectement, par des partis d’extrême droite fascisants.

Lors d’un récent discours au Parlement, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a fait des déclarations offensives et engagées en faveur des immigrés. Il est allé jusqu’à vanter les bénéfices de l’immigration dans une Espagne vieillissante en manque de main-d’œuvre, déconstruisant ainsi les discours de «haine» véhiculés pas l’extrême droite. Des propos à contre-courant de ceux de la plupart de ses homologues européens, qui choisissent de durcir leur politique migratoire.

«L’Espagne doit choisir entre être un pays ouvert et prospère ou un pays pauvre et fermé». Cette phrase a été prononcée mercredi 9 octobre au Parlement espagnol par le jeune chef de gouvernement espagnol.

L’Espagne, pays avec une population vieillissante et un taux de natalité le plus bas de l’Union européenne (UE), a besoin des immigrés pour développer son économie et maintenir son système social. En mai dernier, l’OCDE a d’ailleurs désigné le pays comme celui qui connait la croissance la plus rapide de l’UE, notamment grâce à l’immigration.

«Nous, les Espagnols, sommes les enfants de l’émigration»

«Plus de la moitié des entreprises espagnoles ont des problèmes pour répondre à leurs besoins en main-d’œuvre», a souligné Pedro Sánchez. «Nous avons des personnes âgées qui ont besoin d’une aide-soignante et qui n’en trouvent pas. Des entreprises qui recherchent des programmeurs, des techniciens, des maçons et qui n’en trouvent pas. Des écoles rurales qui ont besoin d’enfants pour ne pas devoir fermer leurs portes», a-t-il ajouté. Et d’insister : «L’immigration est synonyme de richesse. Sans elle, nous perdrions 30 millions de personnes en âge de travailler dans les années à venir en Europe (…) L’immigration n’est pas seulement une question d’humanité, elle est aussi nécessaire pour notre économie et notre prospérité».

94% des immigrés viennent de manière légale en Espagne

Le Premier ministre a aussi mis en avant le passé migratoire de son pays, lorsque deux millions d’Espagnols ont fuient le régime franquiste. «Nous devons nous souvenir des odyssées de nos mères et de nos pères, de nos grands-pères et de nos grand-mères en Amérique latine, dans les Caraïbes et en Europe. Et comprendre que notre devoir aujourd’hui, surtout maintenant, est d’être cette société accueillante, tolérante et solidaire qu’ils auraient aimé trouver», a-t-il encore déclaré. «Nous, les Espagnols, sommes les enfants de l’émigration. Nous n’allons pas être les parents de la xénophobie», a martelé Sánchez. «Le flux migratoire [est] diversifié [et] ne ressemble en rien à l’image [propagée] par l’extrême droite», a-t-il enchaîné. Et son discours est d’autant plus crédible et convaincant qu’au cours de la dernière décennie, 94% des personnes venues en Espagne l’ont fait de manière régulière, dont seulement 20% sont originaires d’Afrique, contrairement aux mensonges propagées par les partis d’extrême-droite européens.

Par ailleurs, contrairement aux idées souvent véhiculées, les immigrés ne profitent pas du système espagnol. Pour preuve selon le Premier ministre, les étrangers «versent 10% de leurs revenus à la Sécurité sociale. Et ils utilisent les services publics et les prestations sociales 40% de moins que ceux nés en Espagne».

Ils ne sont pas non plus des délinquants en puissance. «Les immigrés commettent-ils des crimes ? Bien sûr. Mais si l’on analyse les données par âge et revenu, le taux est le même que celui des Espagnols. Parce que les étrangers ne sont ni pires ni meilleurs que nous, ils sont les mêmes», explique Sánchez.

Du 1er janvier au 30 septembre, plus de 30 000 personnes ont débarqué aux Canaries, contre près de 15 000 à la même période de 2023, selon les chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur. Soit une hausse de 105%. Pour le Premier ministre espagnol, ce n’est pas une catastrophe mais une chance pour son pays.

Au Parlement, le Premier ministre a dévoilé les bases d’un «plan national de coexistence et d’intégration interculturelle qui disposera de ressources pour promouvoir l’intégration des étrangers dans la société et faciliter leur intégration dans des domaines tels que le travail, l’éducation et le social».

Parmi les mesures annoncées, une modification de la loi immigration pour favoriser l’accélération des processus d’embauche des travailleurs migrants et faciliter leur régularisation. Le Premier ministre veut aussi mettre en œuvre une série de réformes pour permettre «une migration légale, sûre et ordonnée».

Le réseau d’accueil va par ailleurs être renforcé : 6 000 places supplémentaires dans les centres d’hébergement vont être créées dans les prochains mois pour prendre en charge les nouveaux arrivants.

Les propos du Premier ministre espagnol devant le Parlement détonnent dans une Europe confrontée à une poussée des mouvements nationalistes. Les principaux pays européens ont multiplié ces dernières années les mesures pour tenter d’endiguer l’immigration irrégulière, à l’instar de l’Italie, de la Grèce ou encore de la France. Mais le cas le plus emblématique est celui de l’Allemagne qui avait ouvert ses portes à un million de Syriens en 2015, et qui a décidé en septembre dernier de rétablir les contrôles à ses frontières.

«Tout au long de l’histoire, l’immigration a été l’un des grands moteurs du développement des nations, tandis que la haine et la xénophobie ont été – et continuent d’être – les plus grands destructeurs des nations. La clé est de bien la gérer», a insisté Pedro Sánchez devant le Parlement.

I. B. (avec agences).

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