Israël-Hezbollah: Le cessez-le-feu peut-il durer?

Le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah a débuté le mercredi 27 novembre 2024 avec un accord négocié par les États-Unis et la France qui prévoit un cessez-le-feu de 60 jours et visant à mettre un terme à 14 mois d’hostilités qui avaient infligé de lourdes pertes des deux côtés. (Image : Des personnes déplacées par les annonces de frappes aériennes israéliennes s’abritent à l’entrée du centre médical de l’Université américaine de Beyrouth, le 26 novembre 2024).

Imed Bahri

Le magazine américain Newsweek considère que l’accord – au respect duquel un comité international dirigé par les États-Unis est censé veiller – prévoit le retrait des combattants du Hezbollah au nord du fleuve Litani et le retrait progressif par Israël de ses forces du sud du Liban avec le déploiement des forces de l’armée libanaise. 

Au cours de cette guerre, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a été tué de même que son héritier putatif Hachem Safieddine. L’état-major du parti chiite a également été décimé et l’infrastructure militaire du parti a subi de graves dommages outre les pertes humaines. Pour Israël, cette guerre a nécessité le déplacement d’un certain nombre d’habitants du nord du pays loin de la frontière avec le Liban.

Les manœuvres politiques de Netanyahu

Pour faire la lumière sur cette question, Newsweek a contacté des experts régionaux pour évaluer les perspectives d’un cessez-le-feu et ses répercussions sur la stabilité future au Moyen-Orient notant que de nombreux Libanais avides de paix s’inquiètent de la possibilité de son effondrement et de la reprise du conflit.

Yazid Sayigh, historien au Centre Carnegie pour le Moyen-Orient à Beyrouth, a déclaré qu’il doutait que le Hezbollah sape le cessez-le-feu car il a désespérément besoin de repos après l’attaque israélienne massive et il estime que le principal facteur affectant la durabilité du cessez-le-feu pourrait être les calculs politiques du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu car il peut arriver un moment où il estime que son intérêt à saper le cessez-le-feu est plus grand que son intérêt à le maintenir.

Sayegh a déclaré que Netanyahu fait face à une opposition gouvernementale interne importante à l’accord et qu’il devra donc peut-être manœuvrer pour garder ses partenaires d’extrême droite afin d’assurer son maintien au poste de Premier ministre et de retarder son procès pour des accusations de corruption.

Le chercheur a poursuivi en expliquant: «Je ne comprends pas vraiment pourquoi Netanyahu accepterait un cessez-le-feu avec le Hezbollah à moins qu’il ne reçoive un message indiquant que le président élu des États-Unis Donald Trump veut arrêter la guerre avant son investiture et si tel est le cas alors la balance penche vers le maintien du cessez-le-feu à moins que le Hezbollah ne rende cela impossible».

Pour sa part, Henry J. Barkey, professeur de relations internationales, a déclaré qu’il croit que le cessez-le-feu tiendra malgré certaines violations et il a résumé les raisons qui le font tenir dans le fait que le Hezbollah a subi les plus grands dommages possibles et que l’armée israélienne est épuisée et surtout Netanyahu cherche désespérément à montrer un succès tangible avec le retour des colons du nord d’Israël à leurs foyers.

Quant à James Gelvin, chercheur au département d’histoire de l’Université de Californie, il estime qu’il y a de très bonnes chances que le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah se poursuive car le parti a participé à contrecœur à la guerre l’opposant à Israël en soutien au Mouvement de la résistance islamique Hamas en tant que membre de l’axe de résistance pro-iranien et il lui a semblé que provoquer la mort et la destruction au Liban était une mesure irréaliste et impopulaire à la lumière de la crise économique que traverse le pays.

De plus, l’Iran a évolué sur la question par rapport à la période d’avant l’élection de Trump où Téhéran ne voulait pas entendre parler de l’arrêt de la guerre sur un front et son maintien sur un autre et où ses officiels déclaraient que l’unité des fronts était indiscutable.

L’Iran a poussé le Hezbollah pour qu’il accepte un cessez-le-feu parce qu’il ne veut pas d’une nouvelle escalade qui pourrait déstabiliser sa situation intérieure déjà fragile en particulier ses défis économiques. En outre, la république islamique craint qu’une nouvelle escalade ne force les États-Unis à entrer dans la mêlée ce que l’elle veut éviter à tout prix surtout avec le retour à la Maison-Blanche du très anti-iranien Donald Trump. 

Quant à Israël, Gelvin estime qu’il a atteint son objectif de pousser le Hezbollah à se retirer de ses frontières, à reculer derrière le Litani outre le retour de 60 000 Israéliens du nord dans leurs foyers quel qu’en soit le coût. L’armée israélienne veut également se concentrer sur le front sud avec Gaza qui la préoccupe.

A quand la fin de l’interminable guerre de Gaza ?

Autre élément, Netanyahu évitera un champ de mines politique en n’ayant pas à recruter les ultra-orthodoxes. En effet, avec l’épilogue de la guerre sur le front nord, il y a un allègement en matière d’effectif et il n’est plus acculé à enrôler cette frange de la population israélienne qui jusque-là était dispensé de servir dans l’armée.

Quant à l’épilogue de la guerre de Gaza, elle demeure la grande question. Haaretz et le New York Times ont révélé cet automne que Netanyahu n’était pas prêt à faire un cadeau de cessez-le-feu à Gaza à l’administration Biden et qu’il attendait l’élection et l’entrée en fonction de Trump pour le faire.

D’autres analyses estiment que le retour de Trump n’est pas l’unique préalable à la fin de l’interminable guerre de Gaza. Des poches de résistance du Hamas demeurent et en plus au sein de sa coalition, il est difficile de lui faire avaler deux pilules en même temps, celle d’un cessez-le-feu avec le Hezbollah et en même temps avec le Hamas surtout que les partenaires dans son alliance d’extrême-droite appellent au retour de la colonisation de Gaza et au rattachement de la Cisjordanie afin d’en finir définitivement avec la cause palestinienne.

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