L’ancien dirigeant d’Ennahdha, Abdellatif Mekki, annonce sur sa page Facebbok la tenue, samedi 18 juin 2022, du congrès fondateur de son nouveau parti Al-Amal Wal Injaj, que l’on peut traduire par Action et Réalisation, une nouvelle officine islamiste dont la majorité des membres sont, comme lui, et sans surprise, des anciens du parti islamiste tunisien. (Illustration: Mekki et les dirigeants de son nouveau parti).
Par Imed Bahri
On sait que Abdellatif Mekki, qui fut ministre de la Santé dans le premier gouvernement formé par Ennahdha en janvier 2012, avait fait tout son parcours politique, depuis les années 1980, dans le mouvement islamiste tunisien et a été partie prenante de tous ses combats, avant et après la révolution de 2011. Ses divergences, si divergences il y a entre lui et ses anciens «frères musulmans», elles tiennent en un seul mot : la lutte intestine pour le pouvoir.
Islamiste un jour, islamiste toujours
Abdellatif Mekki fait en effet partie de la première génération des militants d’Ennahdha qui piaffent d’impatience de succéder au patriarche, Rached Ghannouchi qui, à près de 80 ans, ne semble pas encore prêt à céder le témoin.
Ayant longtemps guerroyé, depuis le dernier congrès d’Ennahdha, en mai 2016, pour pousser le vieux cheikh vers la porte de sortie, sans succès, c’est la mort dans l’âme qu’il s’est résigné, avec d’autre de ses «frères», tels Abdelhamid Jelassi, Samir Dilou ou autres Mohamed Ben Salem, à démissionner, surtout que l’inamovible Ghannouchi a persisté dans son refus d’organiser le congrès qui devait sceller son départ et qui aurait dû se tenir avant la fin de 2020.
La démission de M. Mekki s’explique aussi par une volonté de se désolidariser avec le bilan catastrophique du parti Ennahdha qui, en dix ans de pouvoir, a conduit la Tunisie au bord de la faillite, suscitant le rejet populaire, et sans doute définitif, de l’islam politique, devenu dans l’opinion publique, y compris parmi une bonne partie des électeurs d’Ennahdha soutenant aujourd’hui le président de la république Kaïs Saïed, synonyme de mauvaise gouvernance, de clientélisme, de népotisme et de corruption.
De piètres comédiens doublés de mauvais marchands
Mais les Tunisiens ne sont pas dupes, car M. Mekki et les autres anciens nahdhaouis se réclamant aujourd’hui du nouveau parti qu’il vient de créer, Al-Amal Wal Injaj, assument l’entière responsabilité dans la dégradation de la situation générale en Tunisie et ils ne sauraient recouvrer une hypothétique virginité politique, si tant est qu’un ancien dirigeant d’Ennahdha puisse un jour renier ses convictions islamistes, sans susciter les soupçons, les sarcasmes et les moqueries du public.
M. Mekki croit-il vraiment pouvoir faire avaler aux Tunisiens une bien grosse couleuvre, en essayant de provoquer un écran de fumée et de faire diversion, en espérant gommer la vocation réelle de son nouveau parti, celle d’un nouvel attrape-nigauds au service de l’islam politique, comme le furent au cours des dix dernières années le Congrès pour la république, Al-Aridha Chaâbia, Wafa ou autres Al-Karama ?
Si c’est le cas, il confirme tout le mal que pensent aujourd’hui les Tunisiens des islamistes : pour s’être longtemps fait passer, aux yeux des électeurs, pour des «gens qui craignent Dieu», leurs déguisements, mensonges et tromperies ont été suffisamment édifiants pour faire tomber leurs masques successifs et les montrer comme ils sont en réalité, c’est-à-dire de piètres comédiens doublés de mauvais marchands, dont l’incompétence n’a d’égal que l’arrogance, et qui croient pouvoir continuer à tromper tout le monde tout le temps.
Donnez votre avis