Malgré les critiques acerbes dont fait l’objet son Front de salut national (FSN), Ahmed Nejib Chebbi ne lâche pas le morceau et table sur un affaiblissement de la position du président de la république Kaïs Saïed pour se présenter en possible recours voire en hypothétique sauveur. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres…
Par Imed Bahri
Les critiques, cet éternel revenant, dont la traversée du désert semble interminable, y est habitué et il a la carapace des vieux routiers de la politique qui ne doutent jamais de leur bonne étoile, même si celle-ci tarde à pointer à l’horizon. Et dans le cas de M. Chebbi, qui occupe la scène politique depuis les années 1970, le retard compte en décennies. Mais il en faut plus pour désespérer l’avocat et le convaincre, à 78 ans, de prendre une retraite politique bien méritée.
Tous contre Kaïs Saïed
Dans un entretien publié par le journal ‘‘Al-Maghreb’’, aujourd’hui, mercredi 3 août 2022, M. Chebbi a déclaré que le FSN souhaite élargir ses consultations et sa coordination avec plusieurs parties, sans les citer, ajoutant que plusieurs réunions internes se sont également tenues pour poursuivre ce qu’il a décrit comme «la lutte contre la démarche du président» Saïed, qu’il accuse d’avoir confisqué tous les pouvoirs et de chercher à instaurer un régime autoritaire.
Cependant, depuis sa fondation il y a quelques mois, le FSN reste un mouvement formé essentiellement du parti islamiste Ennahdha et de ses alliés (Qalb Tounes et Al-Karama) que les Tunisien(ne)s accusent d’être les principaux responsables de la crise dans laquelle se morfond actuellement le pays.
Quant aux autres mouvements, qu’ils soient libéraux, centristes ou de gauche, ils s’apposent tout aussi catégoriquement à la «démarche de Kaïs Saïed», mais refusent de s’associer de quelque façon que ce soit au FSN, qu’ils trouvent toxique et infréquentable. Ce qui rend le pari de M. Chebbi pour le moins irréaliste et hasardeux. Et même si des voix commencent à s’élever au sein de l’opposition pour appeler à s’unir en vue de constituer un front anti-Saïed, on voit mal M. Chebbi et ses amis islamistes conduire ce front.
D’ailleurs, M. Chebbi et ses amis ont déjà tenté, à plusieurs reprises, de se rapprocher de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et de certains partis qu’ils espéraient rallier à leur mouvement, mais ils ont, à chaque fois, essuyé un refus catégorique assorti de critiques acerbes sur sa dépendance vis-à-vis du mouvement Ennahdha et de son président Rached Ghannouchi, l’homme politique le plus détesté en Tunisie.
Saïed contre tous
Pire encore, M. Chebbi n’est même pas parvenu à s’attirer les faveurs du parti Al-Joumhouri, qu’il avait lui-même fondé il y a quelques années et qui est actuellement dirigé par son frère Issam Chebbi. Ce dernier, qui s’oppose tout aussi fermement à la dérive autoritaire du président Saïed, a préféré constituer un front anti-Saïed avec d’autres partis de centre-gauche (Attayar, Al-Oummal, Ettakattol et Al-Qotb).
Autant dire que M. Saïed, qui n’est officiellement adossé à aucun mouvement ni à aucun parti, mais qui brasse large en butinant dans les jardins des autres, va continuer à surfer sur l’état de division et de morcellement d’une opposition davantage animée par ses haines, ses détestations et ses vieux comptes à régler que par l’attachement à des idéaux, des principes et des programmes pouvant constituer un dénominateur commun.
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