Revenant sur l’entretien accordé par Rached Ghannouchi à Nessma, une chaîne de télévision diffusant dans l’illégalité, le vice-président de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (Haica), Omar Ouesalti, a assuré, ce jeudi 11 juin 2020, que c’est le statut de président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) du concerné qui pose problème.
Par Cherif Ben Younès
«Le communiqué de la Haica concernant l’apparition de Rached Ghannouchi sur Nessma n’évoquait pas ce dernier en tant que chef du mouvement Ennahdha mais plutôt en tant que président du Parlement», a précisé M. Oueslati, ajoutant que le comité constitutionnel n’a pas condamné, dans le passé, les apparitions des politiciens n’ayant pas de statut officiel au sein de l’Etat dans des chaînes illégales.
Alors que le président du Parlement se doit de donner l’exemple quant au respect de la loi et des institutions de l’Etat, Rached Ghannouchi a fait preuve du contraire en donnant symboliquement une légitimité à une entreprise qui défie la loi, regrette le membre de la Haica qui était présent à l’émission «Midi Show», sur Mosaïque FM.
Oueslati a également rappelé qu’il ne s’agissait pas d’une première, en Tunisie, puiqu’en 2018, un communiqué semblable de la Haica avait été publié pour dénoncer l’apparition de l’ancien président de la république, feu Béji Caïd Essebsi, sur la même chaîne. Et certainement pour les mêmes raisons que l’islamiste : les affinités politiques qui le liaient au propriétaire du média, Nabil Karoui.
C’est malheureusement ainsi que les 2 personnalités politiques les plus influentes des 9 dernières années agissent : en totale insouciance de la loi et de l’éthique politique, rien que pour servir leurs propres intérêts, ainsi que ceux de leurs alliés.
Omar Oueslati a, par ailleurs, fait savoir que la Haica a envoyé une correspondance au chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, à ce sujet, et que ce dernier avait positivement interagi en promulguant un décret interdisant à son équipe gouvernementale de participer aux émission des chaînes illégales (à savoir Nessma et Zitouna TV).
Notons, dans le même contexte, que Mohamed Abbou, ministre d’Etat, chargé de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, avait assuré, le 27 avril dernier, que le gouvernement interdira prochainement la diffusion des chaînes de télévision illégales.
Une annonce qui avait d’ailleurs été très mal accueillie par «le satellite» d’Ennahdha au sein du Parlement, la colalition Al-Karama, laquelle avait tenté, quelques jours plus tard, d’apporter un amendement à la loi pour annuler l’autorisation de créer une nouvelle chaîne de télévision et faire, ainsi, en sorte que la chaîne pirate, de propagande islamiste, Zitouna TV, devienne légale, sans devoir justifier de l’identité de ses propriétaires et de de ses sources de financement, comme l’exige le décret loi n°116 de 2011 portant création de la Haica.
La Haica a également envoyé une correspondance similaire au Parlement au sujet de la présence de représentants dans les chaînes illégales, «sans qu’il n’y ait eu de réponse», déplore M. Oueslati.
Rappelons que le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a, à son tour, dénoncé, aujourd’hui, l’apparition médiatique de Rached Ghannouchi à Nessma. Mais, le chef islamiste semble vouloir apporter une nouvelle fois la preuve qu’il est fâché avec les lois de la république et qu’il ne rate aucune occasion pour les piétiner.
Bref, la démocratie d’apparat à la Tunisienne n’a pas cessé d’enfanter des monstres.
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