En rencontrant le ministre de la Défense nationale, Imed Memiche, hier soir, jeudi 8 juin 2023, au palais de Carthage, le président Kaïs Saïed a posé le problème de «l’usure d’un certain nombre d’équipements» de l’armée nationale, sans annoncer aucune mesure concrète pour remédier à ce problème.
Par Imed Bahri
La réunion a porté sur le douloureux accident survenu mercredi soir et qui a conduit à la mort de 4 militaires après le crash de l’hélicoptère dans lequel ils se trouvaient au dessus de Cap Serrat à Bizerte.
Le président a mis l’accent sur la nécessité de renouveler les équipements militaires, «car de tels incidents, qui peuvent arriver dans n’importe quel pays, se produisent malheureusement en Tunisie à la suite de l’usure d’un certain nombre d’équipements qui ont conduit à de telles tragédies», selon un communiqué publié par la présidence.
La chronique de morts annoncées
Le président de la république a chargé le ministre de la Défense nationale de «transmettre ses sincères condoléances aux familles des martyrs, demandant à Dieu de les bénir de sa miséricorde et de les joindre aux prophètes, aux véridiques, aux martyrs et aux justes, et d »inspirer à leurs familles patience et consolation», indique le communiqué, qui a souligné l’hommage rendu par le président Saïed au «rôle joué par les forces armées dans la sauvegarde de la souveraineté de la Tunisie et aux experts travaillant à la mise au point de ses équipements.»
Pour revenir au crash d’hier, il est le dernier en date d’une série d’accidents similaires survenus ces dix dernières années et dans lesquels sont décédés plusieurs militaires. A la suite de chaque crash, le ministère de la Défense a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les causes et les circonstances, enquête dont les conclusions n’ont jamais été révélées à l’opinion publique.
Au cours des sept dernières années, il y a eu, rappelons-le, 7 crashs d’avions militaires qui ont fait 15 morts:
15 juillet 2016: Sfax, 2 morts;
7 février 2018: Bouficha, 1 mort;
23 avril 2018: Sfax, 2 morts;
7 octobre 2020: Remada, 1 mort;
5 octobre 2021: El-Hamma, 3 morts;
3 janvier 2022: Bizerte, 2 morts;
8 juin 2023: Bizerte, 4 morts.
En parlant de l’usure des équipements, le président de la république n’est pas sans savoir qu’une partie de ces équipements ont trente ou quarante ans d’âge et qu’il s’agit souvent de surplus ou de rebuts de l’armée américaine livrés à la Tunisie dans le cadre de la coopération militaire.
Des «tombeaux volants»
On peut imaginer que les mécaniciens de l’armée font des prouesses techniques pour maintenir ces équipements, et notamment les avions, en état de fonctionner, mais jusqu’à quand allons-nous continuer à mettre en danger la vie de nos valeureux officiers et soldats en mettant à leur disposition des «tombeaux volants» ?
Le président, quant à lui, identifie le problème et se contente d’en parler sans annoncer des mesures concrètes pour y remédier.
On connaît les difficultés financières du pays et la faiblesse du budget accordé à l’armée, même s’il a été augmenté à plusieurs reprises ces dernières années, mais on est en droit d’attendre du chef suprême des armées plus que de simples paroles de compassion avec les familles des victimes.
Le renouvellement des équipements de l’armée devrait être désormais en tête des urgences nationales. Et à cet égard, des arbitrages budgétaires serrés sont à faire. Surtout quand on pense aux montants exorbitants que l’Etat dépense chaque année pour maintenir à flot des entreprises publiques en faillite, au prétexte que leur cession aux privés est une ligne rouge, des montants qui auraient été plus utilement dépensés à moderniser les équipements de l’armée, à équiper les hôpitaux et à améliorer les services publics. C’est à ce genre d’arbitrages courageux que l’on reconnaît un chef d’Etat vraiment patriote et visionnaire.
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