La récente escalade avec le Parlement européen faisant suite à la tension avec le Congrès américain, les deux partenaires historiques de notre pays, est une nouvelle preuve que la diplomatie tunisienne a urgemment besoin d’une meilleure gouvernance au Nord Hilton, au Bardo et même à Carthage.
Par Elyes Kasri *
L’interdiction de séjour en Tunisie d’une délégation du Parlement européen, quoique relevant de la souveraineté de la Tunisie et de son droit de s’opposer à toute ingérence étrangère dans ses affaires intérieures, est une victoire à la Pyrrhus qui aurait mérité de ne pas être remportée ou plus clairement un conflit qui aurait mérité d’être anticipé et étouffé dans l’œuf.
Cette escalade avec l’institution parlementaire du principal partenaire économique de la Tunisie fait suite à la tension avec le congrès américain et au processus en cours au sein de l’institution parlementaire américaine de procéder à une réduction significative de toute assistance militaire et économique à la Tunisie et d’y attacher une conditionnalité politique.
Une responsabilité partagée
Au-delà des cris de victoire des nationalistes chatouilleux, il semble difficile de ne pas voir dans cette escalade avec le Parlement européen une défaillance de la diplomatie officielle tunisienne avec son ambassade à Bruxelles, siège de la Commission européenne, son consulat à Strasbourg, siège du Parlement européen et la centrale qui n’a apparemment pas su faire preuve d’anticipation et de diversion pour mieux sensibiliser les instances exécutives et parlementaires européennes à la réalité des événements en cours en Tunisie et aux véritables enjeux de la lutte contre la pieuvre politico-économique de la corruption et la campagne de destruction systématique et préméditée des rouages de l’Etat et de l’économie dans une impunité octroyée par la générosité, la bienveillance et même l’hospitalité de ces pays européens qui ne cessent de nous ressasser la rengaine des droits de l’homme alors que tout un peuple a été mis à genoux et affamé par une classe de politiciens pourris et d’affairistes rapaces et dépourvus du moindre scrupule.
Une deuxième razzia se prépare
La responsabilité de cette défaillance est partagée par le parlement tunisien qui n’a pas su établir des canaux efficaces de communication avec son homologue européen et une démission, pour certains partis politiques et une trahison pour d’autres, pour ne pas avoir fait l’effort de neutraliser la propagande islamiste qui cherche à rééditer sa campagne de diabolisation des années 2000 contre le régime de feu Ben Ali pour mener une deuxième razzia contre une Tunisie, cette fois exsangue et croulant sous les dettes dilapidées par ses détournements et sa gestion calamiteuse.
Si gouverner c’est prévoir, le récent incident avec le Parlement européen montre que la diplomatie tunisienne, avec ses volets officiel et parlementaire, a urgemment besoin d’une nouvelle et meilleure gouvernance au Nord Hilton, au Bardo et même à Carthage.
* Ancien ambassadeur.
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