En sus de la chienlit parlementaire actuelle, les corps intermédiaires (partis politiques et syndicats) sont dans l’œil du cyclone à cause de l’ivresse du pouvoir et de la cupidité de leurs dirigeants. Ambiance.
Par Chedly Mamoghli *
En lisant le très long et interminable texte de démission d’Abdelhamid Jelassi d’Ennahdha, deux éléments sautent aux yeux.
D’abord que Rached Ghannouchi (président du parti islamiste tunisien et actuel président de l’Assemblée des représentants du peuple, ARP, Ndlr), est en train de faire exactement ce qu’il reprochait jadis à l’ancien président de la république Habib Bourguiba (1957-1987). Il s’agrippe au pouvoir. Il cite d’ailleurs le Congrès du Parti socialiste destourien (PSD) de 1974 qui consacra ce dernier président à vie.
Ghannouchi, Taboubi et l’ivresse du pouvoir
Ensuite, le fait qu’Ennahdha, qui combattait jadis le système et qui voulait le faire tomber, a été intégré dans le système. Les tenants de ce système le voulait (ils sont toujours à la recherche d’un protecteur peu importe qui est-il, l’essentiel c’est de ne pas toucher à leurs intérêts, leur seul dada) et Ennahdha, ça ne lui posait plus problème vu que rien maintenant ne l’empêche d’être au pouvoir. «Il faut que tout change pour que rien ne change!», comme le dit si bien la célèbre réplique du ‘‘Guépard’’ de Visconti.
Une guerre fait donc rage à Ennahdha et nous en sommes témoins. Une autre guerre fait rage à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et nous en sommes témoins. Et, dans les deux cas de figure, cela se passe au vu et au su de tout le monde et non plus dans l’omerta qui caractérisait jadis le parti islamiste et le syndicat gauchiste. Noureddine Taboubi, son secrétaire général actuel, et la caste syndicaliste embourgeoisée s’agrippent au pouvoir. Rached Ghannouchi et ses courtisans s’agrippent au pouvoir. C’est le même topo, classique en Tunisie.
En sus de la chienlit parlementaire actuelle, les corps intermédiaires (partis politiques et syndicats) sont dans l’œil du cyclone à cause de l’ivresse du pouvoir et de la cupidité de leurs dirigeants.
Certains diront que le tout nouveau locataire du Palais du gouvernement de la Kasbah, Elyes Fakhfakh, est chanceux car il va avoir affaire à des corps intermédiaires agités par les guerres intestines. Jugement superficiel et hâtif. Ça serait les méconnaître. Peu importe leur situation, ils ne le rateront pas d’autant plus qu’il est à la tête d’un gouvernement constitué d’une coalition hétéroclite et fragile (formée à l’issue d’un processus aussi interminable que pénible).
Karoui n’en finit pas de régler ses comptes
Le clou du spectacle nous vient de Mosaïque FM où l’arriviste vulgaire et bling-bling Nabil (Bilou) Karoui (fondateur et président de Qalb Tounes, Ndlr), l’allié d’Ennahdha, qui passe son temps à gesticuler dans tous les sens, a montré à quel point il n’a pas digéré (et digéré est ici un euphémisme) la cuisante défaite que lui a asséné, lors de la dernière présidentielle, le constitutionnaliste austère et toujours droit comme un I (et un I majuscule s’il vous plait et non pas un i minuscule), Kaïs Saïed. L’amertume que lui a laissée dans la bouche cette défaite cuisante infligée par le taiseux constitutionnaliste ne le quittera pas pour le restant de ses jours. Jamais l’adage bien taiseux «Essakouti minnou mouti» (Le taiseux causera mon malheur) n’a été aussi bien incarné et illustré.
Dans son même passage à Mosaïque FM, Bilou n’a pas aussi manqué l’occasion pour tacler le plus jeune retraité de Tunisie (l’ex-chef de gouvernement Youssef Chahed, Ndlr) en l’accusant sans ciller d’avoir été son geôlier. Il renoue ici avec son hobby des années passées.
Ainsi va la Tunisie… Autant en emporte le vent…
* Juriste.
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