La Türk Eximbank, un nom peu connu par le grand public tunisien mais bien connu dans les hautes sphères du pouvoir politique et économique, celui des officiers de haut rang, du milieu des affaires et le petit monde bien fermé des intermédiaires. La banque étatique turque, basée à Istanbul, dont l’influence a dépassé largement les rives du Bosphore et la rive nord de la Méditerranée est devenue un acteur incontournable des relations entre Tunis et Ankara.
Par Imed Bahri
Profitant de la situation économique et financière très vulnérable et difficile qui prévaut ces dernières années en Tunisie et en même temps de son besoin accru de se doter d’armes modernes afin de faire face à la menace terroriste et sécuritaire à ses frontières et dans la région, la Turquie, via son industrie d’armement, postule à tous les appels d’offres dans le domaine militaire et les remporte pratiquement tous en permettant de financer ces achats via des lignes de crédits octroyés à l’Etat tunisien par la Türk Eximbank, bras financier de la Turquie d’Erdogan et de son influence dans la région et le monde.
La Turquie va-t-elle devenir le principal fournisseur de l’armée tunisienne ?
La commande de l’Etat tunisien auprès du Turkish Aerospace Industries (TAI), qui était seule en lice pour répondre à l’appel d’offres tunisien afin d’acquérir des drones armés, a été financée à hauteur de 200 millions de dollars par la Türk Eximbank.
Le matériel acheté par l’armée tunisienne aux fabricants de blindés BMC et Nurol Makina à été aussi financé par des prêts contractés auprès de la Türk Eximbank.
Également, si l’offre turque pour permettre à la Tunisie acquérir des systèmes radars Aselsan est retenue, l’opération sera financée à hauteur d’un demi-milliard de dollars par la même Türk Eximbank.
C’est à se demander si la Turquie va devenir le seul fournisseur de l’armée tunisienne alors qu’un principe élémentaire veut qu’un État diversifie la provenance de ses achats d’armement. C’est à se demander aussi si la Türk Eximbank est devenue l’argentier de l’armée tunisienne?
Va-t-on vers une dépendance militaire et financière de la Tunisie à l’endroit de la Turquie ?
Créer une dépendance militaire et financière à l’endroit de n’importe quel pays est inacceptable et à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’un État qui est une puissance régionale comme la Turquie et qui souffle le chaud et le froid en Méditerranée et surtout en Libye et précisément dans la Tripolitaine, la région libyenne frontalière de la Tunisie.
La première Eximbank au monde a été créée en 1934 aux États-Unis. Eximbank ou ExIm Bank (Export-Import Bank of the United States : «Banque d’import export des États-Unis») est une agence de crédit aux exportations américaine. Elle a pour vocation de soutenir les exportations des entreprises américaines vers les différents marchés mondiaux. C’est sur ce modèle que l’Eximbank turque a vu le jour en 1987 pour devenir dans quelques décennies et surtout sous le règne d’Erdogan, un de ses principaux outils afin de concrétiser ses dessins expansionnistes et impérialistes dans le monde et surtout dans le Maghreb et les pays africains.
La Banque de crédit à l’exportation de Turquie (Türk Eximbank) est l’organisme officiel de crédit à l’exportation en Turquie. C’est une banque entièrement détenue par l’État qui est le principal vecteur d’incitation à l’exportation du gouvernement turc dans la stratégie d’exportation durable de la Turquie. En tant qu’agence officielle de crédit à l’exportation, Türk Eximbank a été mandatée pour soutenir le commerce extérieur et les entrepreneurs / investisseurs turcs opérant à l’étranger. Elle fait des progrès rapides vers la réalisation de ses mission et prendre sa place parmi les agences de crédit export dans le monde.
La Banque soutient actuellement les exportateurs, les entrepreneurs et les investisseurs turcs par le biais de divers programmes de crédit, de garantie et d’assurance similaires aux agences de crédit à l’exportation des pays développés. Elle s’engage dans des activités de prêt direct ainsi que dans la mise en place d’assurances et de garanties au sein de la même institution.
Türk Eximbank a introduit une assurance-crédit à l’exportation pour les exportateurs turcs en 1989. Actuellement, elle fournit une couverture aux exportateurs turcs contre les risques commerciaux et politiques en offrant une variété de programmes d’assurance pour leurs exportations vers 238 pays.
Outre son siège social à Istanbul, Türk Eximbank a deux succursales, l’une d’elles est le bureau du district d’Ankara, l’autre est la succursale d’İzmir. La Banque a également sept bureaux de liaison à Denizli, Kayseri, Gaziantep, Bursa, Adana, Trabzon et Konya.
La Türk Eximbank est dirigée par Bülent Aksu. Né en Allemagne en 1974, Aksu est diplômé du département d’administration des affaires anglais de l’Université d’Istanbul et a commencé sa carrière en tant que contrôleur sur le Kuveyt Türk A.Ş. Conseil d’inspection. Il a été directeur financier du groupe Çalık Holding en 2003, directeur financier et membre du conseil d’administration du groupe Akfel entre 2008 et 2012, directeur financier chez Petkim Petrokimya Holding A.Ş. et Star Rafineri A.Ş., filiales de la Société nationale azerbaïdjanaise du pétrole et du gaz (Socar) entre 2012 et 2016, et directeur général adjoint des finances (CFO) chez Turkcell entre le 20 juillet 2016 et ke 17 juillet 2018, avant d’être nommé, le 2 août 2018, vice-ministre du Trésor et des Finances.
Aksu est membre du conseil d’administration de Turk Eximbank depuis le 10 mai 2019 et exerce ses fonctions de président du conseil d’administration depuis le 13 mai 2019.
Une belle carte de visite pour un quadragénaire, qui semble jouir de la confiance du calife ottoman.
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