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Le poème de dimanche : ‘‘L’accident’’ de Mario Scalesi

Marius Scalesi ou Mario Scalesi est un poète français d’origine italo-maltaise, né à Tunis, le 6 février 1892, et mort à Palerme le 13 mars 1922. Il est considéré comme le pionnier de la littérature maghrébine d’expression française.

Mario Scalesi, fils d’une pauvre famille d’émigrés siciliens en Tunisie, est né au numéro 31 de la rue Bab Souika, la rue des humbles émigrés siciliens, maltais et pauvres tunisiens, partageant les mêmes conditions de vie et s’exprimant dans un sabir franco-sicilien-arabe.

Son père Gioacchino, arrivé comme clandestin en Tunisie avec une barque depuis les côtes de Trapani, était sous-officier de la marine italienne, et il avait quitté sa ville natale, après avoir eu des problèmes avec la justice et avec un agent de police. Sa mère, d’origine maltaise mais de mère italienne, est née aussi à Tunis.

Mario grandit avec ses 5 frères dans le quartier populaire de Bab Souika et le père, comme beaucoup d’émigrants siciliens, trouva un poste de cheminot. Sa mère était une femme de ménage chez une famille française.

Mario resta infirme, bossu et boiteux, après une chute, à 5 ans, dans l’escalier de la maison familiale. C’est dans les écoles françaises de Tunisie qu’il fit ses études. Malade de tuberculose, il s’éteignit à 30 ans, en 1922, laissant un seul livre, ‘‘Poèmes d’un maudit’’, publiés l’année suivante, dont est tiré ce poème où il évoque l’accident ayant provoqué le drame de sa vie.

La triple appartenance civilisationnelle – italienne, tunisienne et française – est à l´origine aussi bien de son isolement et de son originalité, faisant de lui un précurseur de la poésie multiethnique et de la littérature maghrébine d’expression française qui devait mettre le problème identitaire au centre de ses préoccupations.

Il fit des études à l’école primaire française à Tunis et vécut à La Goulette, au quartier de la Petite Sicile. Il a travaillé comme critique littéraire avec les périodiques tunisois «Soleil» et «La Tunisie Illustrée».

L’un des plus grands poètes contemporains en Tunisie, Moncef Ghachem a, dans une interview, déclaré: «Je suis un fils de Mario Scalesi.»

L’instant où j’ai cessé de vivre,
Je le verrai longtemps encore.
(Quand l’espoir a fermé son livre
On peut bien dire qu’on est mort).

Muse, je veux que tu célèbres
Ce vieil et banal escalier
Qui, m’ayant brisé les vertèbres,
Me force à ne point l’oublier.

Tu connais l’histoire, je pense,
Puisque étaient par toi visités
Ces fantasques rêves d’enfance
Où riaient mes naïvetés.

C’était Noël. L’hiver d’Afrique,
Cet hiver aux avrils pareil,
Fleurissait dans l’air balsamique;

Sous les dorures du soleil.
J’allais là-haut chercher des cartes.
Une coutume d’autrefois
Voulait que l’on jouât les tartes,
Les fèves cuites et les noix.

L’escalier était un peu sombre.
Heureux, je rapportais le jeu,
Lorsque mon pied glissa dans l’ombre
Comme je songeais au ciel bleu.

On dit que, fuyant le suaire,
Parfois, la nuit, un trépassé
Hante sa chambre mortuaire
Pour y revivre le passé.

Et ces macabres escapades,
Voyez comme on les nie à tort:
Je sens fuir mes pensées malades
Vers l’escalier où je suis mort.

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