L’interdiction de voyage prononcée hier soir, vendredi 27 mai 2022, par le tribunal de première instance de l’Ariana dans le cadre de l’enquête sur l’affaire dite de l’appareil secret d’Ennahdha, à l’encontre de plusieurs responsables du parti islamiste, y compris de son président Rached Ghannouchi, a beaucoup surpris les concernés, qui ont cru jusque-là qu’ils étaient intouchables.
Par Imed Bahri
Le parti Ennahdha n’a pas tardé à réagir en rendant public une déclaration à l’opinion publique où il précise que son président n’a reçu aucune notification de la prise d’une telle décision à son encontre, notant que ce dernier «n’a pas l’intention de se rendre à l’étranger, malgré les nombreuses invitations qu’il a reçues pour participer à plus d’une manifestation internationale, notamment le Forum de Davos, en sa qualité de président de l’assemblée», laquelle, rappelons-le, avait été dissoute par un décret présidentiel.
Pressions sur l’autorité judiciaire, disent-ils !
Tout en affirmant que leurs experts juridiques sont en train d’interagir avec les éléments de cette affaire, Ennahdha a estimé que ce qui se passe actuellement vise à «détourner l’attention de l’opinion publique de ses véritables préoccupations et de la réalité de la crise politique et économique provoquée par le coup d’État contre la constitution et ses répercussions négatives sur la situation économique et les tensions sociales», ajoutant que cela cache mal «l’incapacité de l’autorité putschiste à améliorer les conditions de vie des citoyens qu’accablent les hausses injustes des prix et des taxes», par allusion aux mesures exceptionnelles, proclamées le 25 juillet dernier par le président Saïed, en vertu desquelles les islamistes, qui ont gouverné le pays sans discontinuer depuis 2011, ont été éjectés du pouvoir.
«Ghannouchi reste à la disposition d’un système judiciaire équitable et indépendant, en raison de sa conviction que le prétendu dossier de l’appareil secret (d’Ennahdha, Ndlr) est totalement fabriqué», ajoute le parti islamiste dans son communiqué, en avertissement l’opinion sur ce qu’il qualifie de «pression continue sur le système judiciaire par Kaïs Saïed».
L’impunité ne dure qu’un temps
Ennahdha ne croit pas si bien dire. En effet, le chef de l’Etat, dès sa prise de fonction, au lendemain de son élection en novembre 2019, n’a cessé de déplorer le laxisme et le laisser-aller de certains juges qui laissent traîner en longueur et en largeur les affaires impliquant des dirigeants politiques, notamment ceux d’Ennahdha, et des hommes d’affaires influents. Et l’affaire dite de l’appareil secret d’Ennahdha, qui serait impliqué dans les assassinats politiques, notamment ceux de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, a fait l’objet de nombreuses révélations et diffusions d’éléments à charge faites par le comité de défense des deux martyrs de la gauche tunisienne, tués devant chez eux, le 6 février et le 25 juillet 2013, par des extrémistes religieux de la mouvance islamiste.
Les dossiers ont longtemps traîné dans les méandres d’une justice aux ordres, maintenue sous l’autorité du parti islamistes. Ils ont été manipulés et des éléments à charge détruits par des juges ripoux, mais l’impunité ne dure qu’un temps et la justice finit toujours par triompher. C’est du moins ce qu’espèrent aujourd’hui les Tunisiens pour pouvoir fermer définitivement la parenthèse du règne destructeur des islamistes qui a mis la Tunisie dans la crise profonde où elle se morfond depuis 2011.
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