La mise en dépôt de Mohamed Ali Aroui, président de l’Avenir sportif de Rejiche, ancien porte-parole du ministère de l’Intérieur, qui était jusqu’à 2021 attaché sécuritaire auprès de l’ambassade de Tunisie en Turquie, remet sur les devants de l’actualité l’affaire de la société Instalingo aux activités douteuses, qui opère entre Instanbul et Kalaa El Kebira.
Par Imed Bahri
L’affaire Instalingo, la société tunisienne dirigée à partir de la Turquie par le mercenaire islamiste proche du parti Ennahdha, Haythem Kehili, dont Kapitalis avait révélé l’activité douteuse, continue de faire des vagues et de faire tomber des têtes. La dernière en date, celle de l’ancien porte-parole du ministère de l’Intérieur Mohamed Ali Aroui, placé en garde à vue, hier, vendredi 17 juin 2022.
Plusieurs autres suspects, dont Lotfi Hidouri, journaliste à Achahed, un journal électronique spécialisé dans la diffamation et la propagation de fausses nouvelles, ont été placés en détention, hier soir, dans cette même affaire, qui a éclaté en septembre 2021, un mois après la publication de l’article de Kapitalis.
Les suspects sont accusés de «complot formé dans le but d’attenter à la sûreté intérieure de l’État et de changer la forme du gouvernement, de remonter les gens les uns contre les autres et de provoquer le désordre», ainsi que d’«offense au chef de l’État» (articles 67, 68 et 72 du Code pénal). Ils encourent de lourdes peines de prison. Mais le principal suspect, Haythem Kehili, en fuite en Turquie où il jouit d’une protection spéciale au niveau des plus hautes sphères du pouvoir, fait l’objet d’un mandat d’amener dont on doute qu’il puisse être respecté par Ankara. Et pour cause…
Ce fils d’un membre de longue date d’Ennahdha, ancien membre de son Organisation secrète, qui a trempé dans la tentative de coup d’Etat du 8 novembre 1987, s’était installé à Istanbul, dans le quartier huppé de Besiktas, sur la rive européenne du Bosphore, depuis 2015, où il dirige tout un réseau de propagande au service d’Ennahdha en particulier et des Frères musulmans en général, dont le président turc Recep Tayyip Erdogan est le chef incontesté sur le plan international.
La mise en dépôt, hier soir, dans le cadre de cette affaire, de Mohamed Ali Aroui, président de l’Avenir sportif de Rejiche, ancien porte-parole du ministère de l’Intérieur, qui était jusqu’à 2021 attaché sécuritaire auprès de l’ambassade de Tunisie en Turquie, a provoqué une levée de bouclier auprès de certaines figures de la scène politique tunisienne au cours des dix dernières années comme Walid Jalled (Nidaa, Tahya), l’actuel président de l’Avenir sportif de Soliman, qui, dans un post sur sa page Facebook, a failli crier à l’injustice, en écartant la possibilité que l’intéressé ait pu avoir quelque lien avec les réseaux islamistes.
A M. Jalled et à tous ceux qui reprendront en chœur, à la faveur de cette nouvelle affaire, leur rengaine sur la liberté d’expression en danger, nous dirons ceci : laissez la justice enquêter et faire la part des choses, car l’affaire Instalingo a ses ramifications dans les réseaux de propagande au service de l’islam politique, en Turquie, au Qatar et, à un degré moindre, en Grande-Bretagne, les principaux pays d’asile des islamistes tunisiens, d’où proviennent tous les problèmes de la Tunisie depuis 2011 : financements occultes de partis, de médias et d’associations dites caritatives ou coraniques, contrebande et économie informelle, envoi des jeunes pour le jihad, et autres fléaux qui ont détruit notre pays au cours des dix dernières années.
Laissons donc la justice faire son travail, en dehors des pressions politiques et médiatiques, car nous avons tous intérêt à ce que la vérité soit révélée sur tous ces réseaux et que ceux qui les dirigent rendent compte de la réalité de leurs activités à l’opinion publique. Si, entre-temps, de grosses têtes tombent, ce ne serait que justice et c’est la Tunisie qui y gagnera en clarté et en transparence.
Donc, attendons et n’accusons personne, tout en espérant que les juges trouveront assez d’éléments matériels à charge pour fonder leurs éventuelles accusations.
Ce pays a trop longtemps souffert de l’impunité assurée par une justice aux ordres de certains lobbys politiques et groupes d’intérêt. Il est temps que les dossiers laissés en souffrance dans les armoires des palais de justice soient dépoussiérés par des juges honnêtes et patriotes et que les malfaiteurs, dont certains sévissaient au cœur même de l’Etat, soient enfin démasqués et sanctionnés.
Illustration : Recep Tayyip Erdogan et Haythem Kehili (en médaillon Mohamed Ali Aroui).
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