Djerba sans sachets plastiques à usage unique : Est-ce la fin du cauchemar ?

Au vu de la teneur des échanges survenus lors de la réunion tenue mercredi 22 juin 2022, au siège du gouvernorat de Médenine, entre les différents participants, l’espoir nous est bien permis de débarrasser l’île de Djerba, puis toute la Tunisie du plastique ravageur.

Par Naceur Bouabid *

Consacrée à l’examen des modalités de mise en œuvre de la décision d’interdiction de la commercialisation et la distribution des sacs plastique à usage unique à Djerba, conjointement prise par les ministères tunisiens du Tourisme et de l’Environnement, la réunion, présidée par le gouverneur, a regroupé les directeurs régionaux de l’Environnement, de l’Equipement, de l’Apal, de l’Anged, le commissaire régional au Tourisme, les délégués et les maires de l’île, les représentant régionaux de Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH) et de l’Association pour la sauvegarde de l’île de Djerba (Assidje).

Les communes au cœur de l’action

La volonté de faire aboutir à bon escient le projet était manifestement perceptible; l’engagement de toutes les parties présentes à tout mettre en œuvre à cet effet était palpable, manifesté avec enthousiasme et non sans conviction.

A l’issue de deux heures d’échange, il a été convenu concrètement d’organiser, en amont, avant l’entrée en vigueur, le 1er août, de la décision d’interdiction, une grande action de nettoyage de l’île et une vaste campagne de communication, qui devront prendre effet à partir du 3 juillet, à l’occasion de l’avènement de la Journée mondiale sans sacs plastique.

Des réunions de préparation des échéances à venir devront avoir lieu dans les jours à venir; organisées par les délégués de l’île, elles devront regrouper les membres du comité de préparation et de coordination représentant les différentes administrations concernées, les organisations et les associations de la société civile.

Les communes, au cœur de cette action, et heureusement inconditionnellement convaincues, devront se concerter au sujet des modalités de mise en œuvre de la décision d’interdiction pour définir les mesures communes dissuasives et punitives à appliquer.

Si nous ne voulons plus voir de semblables scènes, révélatrices d’incivisme et de sous-développement, attelons-nous, à soutenir par tous les moyens cette initiative salutaire.

Fermeté et intransigeance à l’encontre des récalcitrants

Certes, une telle décision ne sera pas pour plaire à certains, qui trouveront mille et un prétextes pour la contester, mais l’heure n’est plus aujourd’hui à la soumission au marchandage, ni à l’acceptation de ce macabre état des lieux.

Le plastique a fait irruption dans notre vie et dans nos habitudes, sans coup férir, pour se propager tous azimuts, s’introniser et se proclamer maître des lieux. A son avènement, il y a quelques décennies, on n’a pas sondé l’opinion des gens quant à la question d’introduire le plastique, ni préparé les esprits quant à un meilleur usage de ce nouvel intrus; aujourd’hui, son élimination, certes progressive, doit être opérée sans coup férir : les dégâts causés par son usage généralisé, à l’échelle de toute la planète, ne sont plus à démontrer, ses répercussions sur l’environnement ne sont plus un secret pour personne,  et suffisent pour convaincre les plus réticents à se résoudre à admettre l’urgence de son éradication.

Les déchets plastique, dans leur majorité, ne sont pas recyclés, et sont abandonnés dans la nature, disséminés dans l’environnement pour le polluer, pour enlaidir les paysages champêtres ou marins, et finir transportés par les eaux vers les mers et les océans pour y affecter irréversiblement la biodiversité et les écosystèmes. La Méditerranée en est une : étant une mer semi-fermée, elle est l’une des mers les plus polluées au monde.

Selon un rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF), publié en 2019, la Tunisie, avec les 4,2 milliards de sachets consommés annuellement, dont 1,2 milliards importés, est le 4e consommateur de produits en plastique par habitant dans la région méditerranéenne. Ce même rapport établit que l’économie tunisienne perd environ 20 millions de dollars par an en raison de la pollution plastique.

La Tunisie doit, donc, apporter sa contribution dans la réduction des quantités des déchets plastiques déversés dans cette mer nourricière submergée par le plastique.

L’adoption du décret gouvernemental n°32/2020 du 16 janvier 2020, relatif au contrôle des types de sacs en plastique dont la production, la fourniture, la distribution et la détention sur le marché intérieur sont interdites, était un pas encourageant et nous a donné à espérer, mais vainement, car sa mise en application, annoncée pour entrer en vigueur le 1er janvier 2021, tarde encore à venir.

Ce projet pilote, consistant à interdire la commercialisation et la distribution des sacs plastique à usage unique à Djerba que les ministères tunisiens du Tourisme et de l’Environnement envisagent de mettre en œuvre, vient à point nommé pour remettre les pendules à l’heure.

Combattre le «mal encombrant du siècle»

Djerba est fière d’être désignée l’«île des rêves», et les Djerbiens s’en enorgueillissent, or, le gâchis environnemental prévalant ne reflète guère cette qualification périphrastique valorisante, et pour la mériter, tout doit être mis en œuvre pour relever ce défi lancé.

Au lieu de cette culture tendancieuse du tout jetable et ce mode de vie et de consommation toujours générateur de déchets, une transition durable de nos habitudes de consommation, à réviser de fond en comble, est à opérer impérativement.

Il y a si peu de temps, les choses étaient faites pour durer et on ne jetait que très peu : les emballages étaient réutilisés et les bouteilles rapportées au magasin; qu’est-ce qui nous empêche aujourd’hui de reprendre ces belles pratiques synonymes d’exemplarité citoyenne ?

L’enjeu est vraiment de taille : il pourrait s’agir d’une étape vers un objectif plus vaste, d’une occasion unique de servir d’exemple pour tout le pays, un exemple qui montrera comment le plastique n’est pas une fatalité, et qu’il est possible, moyennant une conscience citoyenne de la gravité de la situation et une bonne volonté politique et institutionnelle, de débarrasser tout le territoire du pays de ce «mal encombrant du siècle» qui envenime notre existence et qui a terni l’image d’antan reluisante de notre pays.

* Militant de la société civile à Djerba.

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