Quand un président de la république organise un référendum constitutionnel qu’il cherche à transformer en plébiscite populaire pour sa personne, et qu’il désigne lui-même par décret les membres de la commission électorale chargée d’organiser toute l’opération, il doit s’attendre à ce que celle-ci finisse par susciter des doutes et des suspicions, tout compte fait légitimes. (Illustration : L’Isie, une armée au garde à vue).
Par Imed Bahri
Cela, nous l’avions écrit et souligné dans ce journal depuis plusieurs mois, mais cela n’a pas suscité de réaction de la part des premiers concernés, dont la crédibilité était en jeu, c’est-à-dire les membres de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) actuelle, qui est la plus folklorique, la plus faible et la plus décriée parmi toutes celles qui l’ont précédée depuis 2011, et qui nous rappelle, par plusieurs aspects, les instances électorales ayant sévi sous le régime dictatorial de Ben Ali.
Soumission aux desideratas du chef de l’Etat
En réponse aux sceptiques qui ont mis en doute son professionnalisme et son impartialité et l’ont accusée d’avoir roulé, tout au long du processus électoral, pour l’homme qui a nommé tous ses membres, l’Isie, par la voix de son porte-parole, Mohamed Tlili Mnasri, a lancé, lors de la conférence de presse d’hier, mardi 26 juillet 2022, pour présenter les résultats finaux du référendum sur la nouvelle constitution proposé par le président de la république Kaïs Saïed: «Les sceptiques qui doutent du processus référendaire peuvent saisir la justice civile, pénale et administrative pour contester ses résultats». Et d’ajouter, sans ironie aucune : «Il s’agit là d’un droit reconnu et garanti par la loi», comme si les précédents recours en justice contre les décisions contestées de M. Saïed avaient suivi leur cours normal dans les méandres d’une justice désormais aux ordres, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) n’ayant rien à envier à l’Isie en termes de soumission aux desideratas du chef de l’Etat.
Traduction libre des propos de M. Mnasri qui, dans une autre vie, était l’œil de Moscou du parti Ennahdha au sein de l’Isie: «Allez vous faire…»
Cette réplique, dont le cynisme le dispute à une sorte de malhonnêteté assumée, déshonore celui qui l’a faite ainsi que tous ses collègues, dont le comportement, pendant toutes les étapes du référendum a été très contestable et d’ailleurs contesté par les Ong spécialisées dans la surveillance des opérations électorales. Et ce, depuis l’inscription sur les listes électorales jusqu’à la proclamation des résultats à la «soviétique» dont même Zine El Abidine Ben Ali, moins gourmand que l’actuel locataire du palais de Carthage, aurait sans doute rougi et exigé de les revoir à la baisse, de manière à tempérer la servilité de ses laquais et leur remonter, un tant soit peu, le pantalon.
L’Isie n’y voit que du feu
«L’Isie n’a enregistré aucune grave violation de la loi électorale», a tranché l’Isie, dont les membres étaient très fiers, hier soir, lors de la conférence de presse, pour avoir accompli la mission pour laquelle ils ont été désignés, d’autant qu’ils semblent assurés de garder leur poste, car ils ont une autre mission, qui approche à grand pas : l’organisation des législatives anticipées du 17 décembre prochain, également décidées unilatéralement par le président Kaïs Saïed, dans le cadre de ses «mesures exceptionnelles», qui plus est, dans le cadre d’une nouvelle loi électorale dont personne ne connaît encore le contenu, et pour cause : elle doit être publiée bientôt par décret présidentiel. C’est la méthode Coué appliquée à la politique par M. Saïed.
Ceux qui redoutent de nouvelles dérives la faveur de la promulgation de ce nouveau texte de loi, comme de fermer la porte devant certaines formations politiques qui représentent une menace pour le pouvoir absolu du président Kaïs Saïed, notamment le Parti destourien libre (PDL), donné en tête des intentions de vote depuis plusieurs mois dans tous les sondages d’opinion, seront bientôt édifiés. Et, bien entendu, l’Isie, qui a tendance à réduire sa mission à son aspect strictement technique, n’y verra que du feu. Comme d’habitude…
Wait and see…
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