Il y a en Tunisie un ministère de l’Environnement, mais à voir les saletés qui s’amoncellent un peu partout dans le pays, y compris dans les zones touristiques et les quartiers huppés, on se demande ce que ce département fait en plus de la célébration de la Journée mondiale de l’environnement, le 5 juin de chaque année.
Par Imed Bahri
On peut toujours chercher des justifications à cette situation que les citoyens ne cessent de déplorer. Parmi ces justifications, on citera notamment le manque de civisme de ces mêmes citoyens, ou de bon nombre d’entre eux, l’absence d’une conscience écologique et d’une culture environnementale, le manque de moyens dont se plaignent les acteurs du secteur… Mais cela ne justifie pas le faible engagement voire l’immobilisme du département de l’Environnement qui, outre le budget alloué par l’Etat, dispose aussi de fonds conséquents attribués dans le cadre de la coopération internationale. Merci les Suédois, les Allemands et les autres, qui sont plus soucieux que nous de la qualité de notre cadre de vie !
Une bonne conscience à peu de frais
En annonçant, hier, mercredi 10 août 2022, une manifestation environnementale intitulée «Mois de la propreté», qui sera lancée le 14 août, dans toutes les villes tunisiennes, la ministre de l’Environnement, Leila Chikhaoui, l’a fait avec tout le sérieux requis et sans ironie aucune, alors que l’on sait que la propreté n’est pas une affaire saisonnière qui peut se suffire de l’organisation d’un «événement» pour le fun, pour faire mouvement, pour dire qu’on existe ou pour avoir bonne conscience à peu de frais.
Pour donner plus de solennité à l’événement, Mme Chikhaoui s’est fait entourer de cinq autres ministres (excusez du peu!) : Mohamed Moez Belhassine (Tourisme et Artisanat), Mahmoud Elyes Hamza (Agriculture, Ressources hydrauliques et pêche), Rabie Majidi (Transport), Ali Mrabet (Santé) Moncef Boukthir (Enseignement supérieur et Recherche scientifique), alignés en rang d’oignon. Effet «hadhba» garanti !
La propreté est censée être une affaire de tous les jours, car notre qualité de vie voire notre santé physique et psychique en dépend. Demandez aux citoyens qui vivent dans des quartiers transformés en décharges à ciel ouvert, comme à Sfax où le problème de la levée des ordures dure depuis plusieurs mois, et ils vous diront ce qu’il leur coûte de vivre comme des chiens entre les poubelles.
Pour la ministre Chikhaoui, le «Mois de la propreté» (Clean Up Month), qui se poursuivra durant les week-ends du 21 août, 28 août et 4 septembre, vise à encourager les citoyens, la société civile et les entreprises à adhérer volontairement au mouvement pour promouvoir des indicateurs de propreté dans toutes les villes tunisiennes.
Les déchets plastiques et les déchets légers seront collectés dans toutes les régions du pays, grâce aux efforts conjoints de toutes les parties concernées, a encore indiqué la ministre, qui appelle à la participation des citoyens, individuellement ou en équipes de 10 bénévoles de plus de 18 ans.
Des représentants d’organisations actives localement telles que les scouts, le Croissant-Rouge, ainsi que des élèves, des étudiants et des citoyens sont ainsi invités à participer à l’événement. Tous ceux qui souhaitent participer sont appelés à s’inscrire sur ce site.
Le travail des équipes participantes sera évalué au plus près, en fonction de la quantité de déchets collectés et de leur qualité (triés ou non triés) et les trois premières équipes recevront des prix symboliques.
Le ministère fournira aux participants des sacs pour la collecte des déchets, des gants, des tabliers, des casques et du matériel de pesée dans les zones de collecte.
Les collectivités locales détermineront les zones d’intervention, notamment aux entrées de villes, circuits stratégiques, places publiques, quartiers populaires et zones industrielles.
Communication n’est pas action
Outre le fait l’appel à la société civile est devenu une échappatoire pour un Etat impuissant et une administration publique prolifique, incompétente et inefficace, tout cela est utile et charmant, mais l’état catastrophique de l’environnement dans notre pays nécessite plus qu’un simple «événement» et «trois week-ends de propreté».
Encore qu’on espère que les citoyens et les Ong sollicités répondront favorablement à l’appel, que la participation sera au niveau des espérances et que le résultat final ne se résumera pas à quelque émission de propagande télévisée !
La Tunisie a besoin d’une vision et d’une stratégie à court, moyen et long termes pour préserver ses ressources naturelles, assainir son environnement et poser les jalons d’un développement économique plus respectueux de la terre, de l’eau, de l’air, bref de la vie.
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