Tunisie : les dessous du remaniement au sein du CA de la Banque centrale

La littérature économique traitant de la performance des conseils d’administration (CA) des banques centrales favorise l’hétérogénéité à l’homogénéité des courants de pensée économique représentés au sein de ces conseils. Ce n’est pas l’avis de Marouane Abassi, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) qui privilégie l’unanimité autour de ses choix personnels. C’est une culture bien tunisienne. (Illustration : Moez Labidi/Marouane Abassi).

Par Moktar Lamari *

L’information a été publiée directement au Journal officiel de la république tunisienne (Jort), la BCT n’ayant pas jugé nécessaire de publier un communiqué au sujet des nouvelles nominations et prolongations de mandats au sein de son CA.

La sagesse veut qu’on ne change pas de CA en pleine tempête, mais la BCT a fait à sa façon, pour probablement resserrer les rangs et éviter les dissonances et divergences d’écoles de pensée en matière de politique monétaire.

Dans ce nouveau brassage de cartes, le professeur Moez Labidi, un néo-keynésien affirmé, a été remercié. Il quitte le CA, remplacé par un autre universitaire, peu connu et sans publications notables en politique monétaire.

En plein dans la ligne de l’orthodoxie monétariste

La BCT est en plein dans la ligne de l’orthodoxie monétariste, et surtout, on ne doit déplaire au Fonds monétaire international (FMI), apôtre du monétarisme pur et dur. Et tout indique que par ce nouveau brassage, la BCT veut assurer plus d’homogénéité dans ses paradigmes monétaristes.

La littérature économique traitant de la performance des CA des banques centrales favorise l’hétérogénéité à l’homogénéité des courants de pensée économique représentés au sein de ces CA.

Professeure Leila Baghdadi a vu son mandat prolongé de 3 ans. Mais, tout porte à croire qu’on se range tous derrière le gouverneur Abassi, peut importe le contexte. Le gouverneur a géré depuis 2016, avec un bilan très critiqué et peu apprécié. Il est surtout mal noté par ses pairs, dans le Ranking des gouverneurs des banques centrales (C-).

De sources informées, on apprend que les tensions au sein du CA de la BCT ont monté d’un cran, lors de la dernière rencontre du CA en juin, en raison de la forte hausse du taux directeur (75 points de base). Alors que l’inflation était importée (pénuries internationales) et que la Tunisie commençait une saison touristique gourmande en investissements d’entretien et de remise en marche de l’infrastructure hôtelière après une pause de 2 ans, liée notamment à la Covid-19.

Une nouvelle hausse du taux directeur en vue

La décision d’augmenter le taux directeur de 75 points de base était divisive et clivante au sein du CA.

Il est important que la loi sur la Banque centrale stipule d’indiquer en toute transparence qui vote pour et qui vote contre les décisions prises par le CA de la BCT.

Celui-ci se réunira dans une semaine, et on s’attend à une nouvelle forte hausse du taux directeur : 50 à 75 points de base, ramenant ce taux à presque 8%, au moins! Cela risque de susciter des remous et des prises de position hostiles à la BCT et au système bancaire de manière générale.

La rentrée sera chaude pour la BCT, il faut préparer le voyage à Washington DC, dans moins de 3 semaines, pour la Rencontre annuelle du FMI et de la Banque mondiale, (10-16 octobre 2022), et convenir d’un accord avec le FMI (2-3 milliards de $US). Mais, rien n’est gagné… et les incertitudes sont nombreuses. La BCT doit se montrer plus active et convaincante, lors des rencontres de Washington.

* Economiste universitaire au Canada.

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