Le pouvoir en place en Tunisie doit comprendre une fois pour toutes que les cachoteries sont contreproductives, car tout finit par se savoir, et qu’en politique, rien ne vaut le langage de vérité qui met tout le monde devant ses responsabilités, y compris le peuple, lequel doit être en mesure de faire la part des choses et de comprendre où se trouve, en dernière instance, son intérêt, y compris quand il s’agit de se serrer la ceinture pour aider à la relance de l’économie, seul moyen pour sortir de la crise.
Par Imed Bahri
Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, Abir Moussi a dénoncé les cachoteries du gouvernement qui continue de considérer que les engagements de la Tunisie dans le cadre de son accord avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un nouveau prêt de 1,9 milliard de dollars sont un secret d’Etat et continue à en cacher les détails aux Tunisiens qui vont, au final, en supporter le coûts et… les contrecoups.
Que cherche-t-on à cacher ?
Evoquant la rencontre que la ministre des Finances Sihem Nemsia, son collègue de l’Economie et de la Planification Samir Saïed, le gouverneur de la Banque centrale Marouane Abassi et des membres du comité de négociation avec le FMI ont eue avec des représentants des médias triés sur le volet, mercredi 26 octobre 2022, à Dar Dhiafa à Carthage, la présidente du Parti destourien libre (PDL) a dénoncé ces pratiques du «pouvoir du fait accompli», qui croit devoir cacher au peuple les tenants et les aboutissants des engagements internationaux qu’il prend en son nom et, surtout, à ses dépens.
Quel sens, en effet, peut avoir une rencontre en off et out of the record avec une poignée de journalistes choisis par les autorités pour leur proximité avec elles et qui, malgré leur docilité présumée, sont sommés de ne rien enregistrer, de garder les informations pour eux et de n’en rien divulguer à l’opinion publique.
«Les engagements que le gouvernement a pris dans le dos des citoyens et à leur insu n’engagent nullement les Tunisiens, et les journalistes qui ont pris part à la rencontre secrète sont responsables devant l’opinion publique de leur silence complice avec leurs hôtes», a lancé Mme Moussi, en sommant les journalistes présents à la rencontre de mercredi à tout révéler à l’opinion publique de ce qu’on leur a dit et de ce qu’ils savent à propos de l’accord avec le FMI, car il y va de leur crédibilité.
La présidente du PDL a aussi affirmé qu’elle détient la liste des présents et menacé de révéler les noms des journalistes «complices» de l’omerta gouvernementale.
A ce propos, nous tenons à informer nos lecteurs qu’aucun journaliste de Kapitalis n’a été convié à cette rencontre «secrète», car notre journal n’est pas en odeur de sainteté auprès d’un pouvoir qu’il a fermement soutenu jusqu’à la fin de 2021, avant de devenir très critique à l’égard de sa dérive dictatoriale.
Une exigence de transparence
Nous tenons aussi à exprimer notre appui inconditionnel à l’exigence de transparence gouvernementale exprimée par Mme Moussi, à déplorer la politique d’omerta du gouvernement et à alerter les Tunisiens sur la gravité des enjeux que leurs hauts responsables s’échinent à leur cacher, avec une affligeante stupidité (et qu’on nous pardonne ce mot !)… Comme si les réformes douloureuses sur lesquelles la Tunisie s’est engagée contre les quelques sous qu’on lui a promis pouvaient être cachées longtemps, alors que les citoyens ne cessent d’en subir les impacts négatifs, tous les jours que Dieu fait, sous formes de pénuries de toutes sortes, de hausses des prix des produits de première nécessité, de baisses du pouvoir d’achat, d’arrêts des recrutements dans la fonction publique et d’autres «cadeaux» d’un Etat qui ne cesse de crier sur tous les toits qu’il œuvre pour le bien-être des pauvres et des démunis.
Cette façon qu’a le pouvoir en place de prendre les Tunisiens pour des idiots que l’on peut continuer à rouler dans la farine, beaucoup avant Kaïs Saïed, Najla Bouden, Sihem Nemsia, Samir Saïed et autres Marouane Abassi en ont déjà payé le prix fort. Ils étaient, eux aussi, adossés à une armée de journalistes maison («embedded» disent les Américains) qui, après leur chute, se sont tous retournés contre eux.
Tout cela pour dire que rien ne se cache, que tout finit par se savoir et qu’en politique, rien ne vaut le langage de vérité qui met tout le monde devant ses responsabilités, y compris le peuple qui doit être en mesure de faire la part des choses et de comprendre où se trouve, en dernière instance, son intérêt. Encore faut-il lui dire la vérité et ne rien lui cacher… de ce qui l’attend et que, de toute façon, il ne tardera pas à le découvrir par lui-même, surtout quand il s’agit de mesures d’austérité et de serrage de ceinture. Comme c’est le cas aujourd’hui en Tunisie…
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