L’organisation Mourakiboun organise un débat sur «les risques et menaces du décret-loi N°54» dans le cadre du projet LabTrack en partenariat avec l’Institut de presse et des sciences de l’information (Ipsi) et financé par Democracy Reporting International (DRI) qui aura lieu les 16, 17, 18 et 23 novembre 2022 à l’hôtel Africa, à Tunis.
Depuis sa publication, le décret-loi n°54 du 13 septembre 2022 relatif aux infractions se rapportant aux systèmes d’information et de communication a suscité une large polémique et une vague de mécontentement. Effectivement, plusieurs associations et organisations nationales ont lancé des appels à son retrait compte tenu de ses atteintes aux droits et libertés.
Lourdeur des sanctions
D’après son article 1er, le texte est censé «fixer les dispositions ayant pour objectif la prévention des infractions se rapportant aux systèmes d’information et de communication et leur répression, ainsi que celles relatives à la collecte des preuves électroniques y afférentes et à soutenir l’effort international dans le domaine, et ce, dans le cadre des accords internationaux, régionaux et bilatéraux ratifiés par la république tunisienne».
Bien que la plupart des dispositions soit d’ordre technique réglementant l’accès aux systèmes d’information en général (pas uniquement les sites d’informations), l’article 24 mérite une attention particulière.
Intitulé «Des rumeurs et fausses nouvelles», il précise : «est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 50 000 dinars quiconque utilise sciemment des systèmes et réseaux d’information et de communication en vue de produire, répandre, diffuser, ou envoyer, ou rédiger de fausses nouvelles, de fausses données, des rumeurs, des documents faux ou falsifiés ou faussement attribués à autrui dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou porter préjudice à la sûreté publique ou à la défense nationale ou de semer la terreur parmi la population.»
Est aussi passible des mêmes peines encourues «toute personne qui procède à l’utilisation de systèmes d’information en vue de publier ou de diffuser des nouvelles ou des documents faux ou falsifiés ou des informations contenant des données à caractère personnel, ou attribution de données infondées visant à diffamer les autres, de porter atteinte à leur réputation, de leur nuire financièrement ou moralement, d’inciter à des agressions contre eux ou d’inciter au discours de haine. Les peines prévues sont portées au double si la personne visée est un agent public ou assimilé».
Flou des terminologies
Il est clair, que le flou entourant les terminologies utilisées dans le texte du décret-loi fait peser des menaces sur les libertés et la qualité de l’interprétation des concepts en lien avec la désinformation par le pouvoir judiciaire, et que ce décret-loi ne représente en aucun cas un moyen proportionnel pour lutter contre les effets de la désinformation et ouvrira la voie à un retour à des pratiques répressives telles que l’écoute, la surveillance et l’enregistrement des communications et l’utilisation de ces informations contre des personnes, des structures et des institutions.
Les objectifs de Mourakiboun et des coorganisateurs du débat sont de comprendre et décortiquer le contenu du décret-loi n° 54; de mettre l’accent sur les risques et menaces liées à l’application du décret-loi n° 54, notamment son article 24; de mener une réflexion multidimensionnelle sur les pistes de solutions pour amortir les potentiels impacts négatifs de la mise en œuvre du décret-loi.
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