La chaîne franco-allemande Arte diffusera ce soir, dimanche 4 décembre 2022, un très beau film de Sydney Pollack et que je vous conseille vivement : Les Trois jours du Condor.
Par Mohamed Sadok Lejri *
C’est l’histoire de Joseph Turner (Robert Redford), un homme qui travaille sous le nom de code « Condor » comme lecteur dans une sous-section clandestine de la CIA. Cette dernière jouit d’une couverture et se fait passer pour une société spécialisée en littérature historique, alors qu’en réalité elle est chargée de trouver des fuites et des nouvelles sources de renseignement dans tous les écrits publiés à travers le monde.
Un jour, Joseph Turner adresse un rapport à sa direction qui implique certaines parties dans un réseau d’espionnage en contact avec la CIA. Le lendemain, on lui demande d’aller chercher à manger pour l’équipe. A son retour au bureau, la porte d’entrée est curieusement ouverte : il y découvre ses collègues baignant dans leur sang. Il comprend tout de suite qu’il n’a échappé au massacre que par chance. Une véritable chasse à l’homme est alors engagée par de mystérieux personnages. Après la liquidation de toute son équipe, son effacement pur et simple semble inéluctable.
Les Trois Jours du Condor est un véritable chef-d’œuvre dans son genre. Ce film au suspense haletant est une adaptation d’un roman d’espionnage. Sydney Pollack crée une véritable atmosphère de paranoïa et nous plonge dans le climat de suspicion qui règne dans l’agence et qui domine les esprits. Cette atmosphère angoissante perdure tout le long du film, elle n’est cependant interrompue que par la nuit d’amour que Turner passe avec Kathy (Faye Dunaway).
Ce film égratigne la puissance américaine en allant fouiller dans les ruelles obscures et au fond des arrière-cours et en portant un regard glaçant sur le fonctionnement criminel de fonctionnaires d’un pays qui se targue d’être la première démocratie du « monde libre » comme on disait au temps de la guerre froide.
Les Trois Jours du Condor dénonce l’inhumanité des pratiques que l’on retrouve dans certaines organisations dépendantes du gouvernement fédéral et chez les hommes de l’ombre aux méthodes plus que douteuses. Le film de Sydney Pollack vise donc à mettre en lumière la violence employée par les Etats-Unis et le cynisme dont ils font preuve pour conserver leur position de leader mondial, mais aussi la corruption qui règne dans le monde silencieux et létal qu’est celui des services secrets américains.
Les Trois Jours du Condor s’inscrit dans la lignée du cinéma politique qui nous a gratifiés de quelques petits chefs-d’œuvre dans les années 1970, qui s’est attaqué frontalement au pouvoir pour nous faire prendre conscience que derrière les façades rutilantes des bâtiments imposants et les fonctionnaires enveloppés de manteaux élégants se cachaient des valeurs démocratiques trahies, un Etat profond qui se contrefiche des valeurs prônées par les Etats-Unis et obéissant à des calculs d’intérêts souterrains et une civilisation construite dans la compromission et ayant définitivement considéré l’humanisme comme une faiblesse.
Le fin du film – je vous la livre sans divulgâcher Les Trois Jours du Condor – est tout bonnement magnifique et sous-entend que le seul contre-pouvoir efficace contre l’Etat profond insensible à la dignité humaine et contre tout ce cynisme sanguinaire, c’est la liberté de presse.
* Universitaire.
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