Fadhel Abdelkefi : «Les Tunisiens ont dit non au projet de nouvelle jamahiriya»

«En boycottant les législatives, les Tunisiens ont opposé une fin de non-recevoir à Kaïs Saïed, lui signifiant leur rejet de son projet de nouvelle jamahiriya», estime Fadhel Abdelkefi, en appelant à la formation d’un gouvernement de compétences économiques composé de 14 ou 15 ministres qui s’estiment les uns les autres loin de toute forme d’allégeance.

Par Imed Bahri

Le président du parti Afek Tounes (socio-libéral) a déclaré que le président de la république, Kaïs Saïed avait rompu le silence électoral le jour du vote pour les législatives, le 17 décembre, en déclarant que c’était une journée historique, et ce fut, en effet, une journée historique, surtout que 90% de Tunisiens se sont abstenus de voter.

Commentant les résultats de ces élections, dans la Matinale de Shems FM, jeudi 22 décembre 2022, Abdelkefi a déclaré que la Tunisie avait remporté la Coupe du monde des élections avec le plus bas taux de participation enregistré à une élection dans une démocratie émergente. Et d’ajouter que le prochain parlement aura pour mission de mettre en place le système d’«Al-binaa al-qaïdi» (ou «construction à la base»), une forme de démocratie directe que le président Saïed cherche à instaurer en Tunisie. «Le peuple lui a répondu en boycottant les élections», a lancé Abdelkefi.

Arrogance et déni de la réalité

«En boycottant le vote, les Tunisiens ont opposé une fin de non-recevoir à Saïed, lui signifiant leur rejet de son projet de nouvelle jamahiriya», a déclaré Abdelkefi, comparant le populisme de Kaïs Saïed à celui de feu Mouammar Kadhafi, affirmant que les résultats du vote étaient attendus et n’ont pas surpris grand-monde et soulignant que les électeurs avaient déjà appelé à arrêter la farce lors du référendum constitutionnel du 25 juillet dernier, au cours duquel le taux de participation était déjà le plus bas depuis 2011.

Commentant la déclaration du président de la république appelant à attendre les résultats du second tour pour émettre un jugement sur les élections, Fadhel Abdelkefi y a vu une arrogance et un déni de la réalité, ajoutant que la tenue du second tour sera «une perte de temps, d’efforts et d’argent pour les Tunisiens.»

Le président d’Afek Tounes a, par ailleurs, confirmé que l’affaire de complot contre la sûreté de l’Etat, dans laquelle il est accusé avec beaucoup d’autres personnalités politiques, journalistes et hommes d’affaires, est actuellement devant le tribunal militaire et sera examinée par un juge militaire.

Tout en se disant très confiant dans la décision de la justice, Abdelkefi a souligné que le but de cette affaire est de l’intimider et de le terroriser en tant qu’opposant. «On ne peut m’accuser de complot contre la sûreté de l’État pour avoir simplement répondu à un message sur WhatsApp», a-t-il souligné, admettant qu’«en tant qu’opposant, il est devenu gênant parce qu’il présente des avis techniques et pratiques, évite de s’embourber dans des théories, critique et propose des solutions».

Un gouvernement de compétences économiques

Pour faire face à la crise actuelle en Tunisie, Abdelkefi a appelé à la formation d’un gouvernement de compétences économiques composé de 14 ou 15 ministres qui s’estiment les uns les autres, loin de toute forme d’allégeance, selon ses termes.

Le président d’Afek Tounes a aussi appelé à des élections présidentielles anticipées, «conformément à la constitution de la Troisième République», promulguée par le président Saïed.

«Le président de la république a été élu conformément aux exigences de la constitution de 2014 (qu’il a dissoute entre-temps, Ndlr) et la moindre des choses qu’il puisse faire c’est de renouveler sa légitimité dans le cadre de la Troisième République», a dit Abdelkefi, rappelant au professeur de droit constitutionnel la nécessité de respecter la constitution qu’il a lui-même promulguée.   

«Les résultats des élections législatives portent un message clair à travers le boycott populaire et le rejet du processus politique actuel», a insisté Abdelkefi, en soulignant que les urnes doivent être l’arbitre final. Conformément aux dispositions de la constitution de la Troisième République, il convient de respecter les résultats sortis des urnes, a-t-il insisté avec une pointe d’ironie, appelant, à demi-mot, Kaïs Saïed à la démission. «Le président de la république invoque souvent de Gaulle dans ses déclarations, et de Gaulle a démissionné à la suite d’un revers électoral», a-t-il rappelé.

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