Une Tunisie au bord de la banqueroute financière et qui espère obtenir un plan de sauvetage de 1,9 milliard de dollars du Fonds monétaire international, sans trop y croire, annonce en grande pompe un plan de développement triennal 2023-2025… pour le fun.
A en croire le ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Saïed, qui parlait mardi 3 janvier 2023, ce plan s’appuie fortement sur les investissements du secteur privé, notamment dans l’industrie, et sur la relance de la production de phosphate, l’une des ressources naturelles rares de la Tunisie.
La ministre de l’Industrie, Neila Gongi, qui a présenté une partie du plan, a déclaré, de son côté, que le plan vise à faire passer la production de phosphates, de 3,7 millions de tonnes l’an dernier à 12 millions de tonnes en 2025. Sachant que la production de phosphate marche au ralenti depuis… 2011, passant d’une production de 8 millions de tonnes en 2010 à une moyenne de moins de 3 millions de tonnes au cours des dix dernières années.
Dans un pays qui lutte contre une inflation de 10%, parallèlement à une croissance lente, un chômage élevé et des pénuries de produits de base, exacerbées par la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, ce plan peut paraître comme une idée saugrenue, d’autant qu’il a été élaboré par une administration passée maître dans l’art de faire des bulles et de broyer du vent.
Le plan 2023-2025 «propose un nouveau modèle de développement» pour relancer l’économie tunisienne et lutter contre la pauvreté, qui touche actuellement environ un cinquième des 12 millions d’habitants», a déclaré M. Saïed, ajoutant que le plan dévoilé mardi est basé sur une croissance de 2,1% cette année – contre 1,8% l’année dernière, alors que le pays a besoin de réaliser un taux de 5 à 6% pendant dix ans pour espérer venir à bout d’un chômage endémique dépassant 15%. D’ailleurs, se disant «réaliste et prudent», le ministre prédit une baisse du chômage de seulement un point de pourcentage à 14% entre 2022 et 2025.
L’Etat étant en quasi-faillite et à court d’idées, Saïed met son dévolu sur le secteur privé dont les investissements devraient être le «moteur de la croissance». Et s’il appelle à l’amélioration du climat des affaires en Tunisie, c’est parce qu’il est conscient du manque de confiance et du blocage actuels qui n’incitent pas beaucoup à l’investissement, avec une charge fiscale parmi les plus élevées du continent africain.
Saïed, qui tire des plans sur la comète, a présenté des plans pour 12,3 milliards de dollars d’investissements publics sur trois ans, les deux tiers via le budget de l’État et le reste via des entreprises publiques, faisant fi d’oublier que les investissements publics ont atteint, au cours des dernières années, leurs niveaux le plus bas, alors que les budgets d’investissements sont souvent détournés pour payer les salaires d’une administration publique prolifique et inefficace.
La ministre Gongi a déclaré, pour sa part, que l’augmentation des investissements dans l’industrie pourrait faire passer le secteur de 15 à 18% du produit intérieur brut d’ici 2025, les exportations devant augmenter d’un tiers pour atteindre 18 milliards de dollars par an.
Le gouvernement prévoit également d’autoriser l’utilisation des terres agricoles pour la production d’énergie solaire et éolienne, ainsi que des projets solaires à petite échelle sur un marché actuellement dominé par l’entreprise publique, la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg).
Le plan présente aussi un programme d’améliorations du système de sécurité sociale, avec des versements pour les familles qui s’occupent de personnes âgées non apparentées et des investissements dans l’éducation pour les décrocheurs scolaires.
I. B.
Donnez votre avis