Ibrahim Nasrallah est poète, dramaturge, romancier et peintre. Je le rencontre en 2009 à Amman, voix douce et calme olympien. On lui refuse toute autorisation de se rendre en Palestine occupée pour rendre visite aux siens.
Né en 1954 à Amman, en Jordanie, de parents palestiniens réfugiés, Ibrahim Nasrallah a enseigné en Arabie saoudite puis de retour, il s’exerça au journalisme et eut des responsabilités culturelles. A publié de nombreux ouvrages, recueils et romans. Son recueil L’anémone reprend ses couleurs lui a valu des démêlés avec la justice. Son œuvre est traduite dans de nombreuses langues et couronnée de diverses distinctions.
Quelques titres (en arabe) : Les chevaux aux portes de la ville, 1980; Si j’étais maestro, 2009; Retour du jasmin chez lui sain et sauf, 2011; Sur un fil de lumière, entre deux nuits, 2012; L’amour mauvais, 2017.
Tahar Bekri
Chaque fois qu’elle me voit, elle se met à me répéter :
Te voilà vieilli avant moi
Elle répand ses mèches en l’air
Cherche un cheveu que la blancheur a atteint ainsi
Et redit : Rien
Tu as vieilli avant moi
Puis soudain me demande :
As-tu vu tout ce que j’ai enduré ?
As-tu vu
Mon départ de mon paradis
Ma perte ici dans cet endroit enchaîné
Mes pas
Au matin dans l’évasion des oiseaux de mon âme
Sur le seuil le soir, dans la tristesse de ma chanson ?
Puis elle répète :
Rien
Tu n’as rien vu comme moi
Et tu as vieilli avant moi !
Puis elle rit :
Si ce n’était le peu de tremblement de mes mains
Et cette faiblesse
Quand je monte les marches
J’aurais dit que je suis toujours la jeune fille
Qui monte une colline
Et la descend comme une montagne
Ou un pays
Elle répète la question…
Je lui dis
Le vieux-jeune ne sera pas jaloux de ta jeunesse
Elle rit une seconde fois :
Tu reconnais !!
Je hoche ma tête pour ne pas dire non
J’ai vieilli avant toi car je suis celui qui a vu
O familière de ce matin de la souffrance toute ta souffrance !
Traduit de l’arabe par Tahar Bekri
Extrait de ‘‘Poésie de Palestine’’, de Tahar Bekri, éd. Al Manar.
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