Avec son dernier roman La vie d’après, Salah El Gharbi s’éloigne de l’univers intimiste des précédents (Perditions, Et quand mes nuits s’en souviennent, La troisième fille) et nous plonge dans l’existence mouvementée d’une famille tunisienne ébranlée par les bouleversements que le pays vit depuis 2011.
Dans ce roman où l’auteur retrace le parcours de Hlima et de ses quatre enfants, il n’est en effet question que de personnages en désarroi, fragilisés par les hantises du passé dans un monde miné par les incertitudes et de couples à la dérive se débattant désespérément contre l’indifférence et l’ennui.
Bonnes feuilles
Même si, de temps à autre, il fléchissait en faisant semblant d’obtempérer, comme attendri par le visage accablé de sa mère, Aymen se rétractait le lendemain, pour renouveler à celle-ci son refus catégorique de participer à ce qu’il appelait «la mascarade familiale». Ainsi, durant deux jours, il resta inflexible, balayant d’un revers de main tous les arguments que la vieille femme s’ingéniait à trouver afin de venir à bout de la résistance de son benjamin. «Fais-le pour moi, ta maman… On ne restera pas trop longtemps. On partira juste après le feuilleton, si tu veux…», le supplia-t-elle, presque les larmes aux yeux.
Il fallut attendre jeudi au soir, contre toute attente, et alors que sa mère revenait à la charge pour lui rappeler le rendez-vous du samedi, pour qu’Aymen fît mine d’acquiescer du bout des lèvres, pour revenir, une heure après, sur sa parole, avant de s’engager de nouveau, deux heures après, en exprimant le vœu d’y aller, «à condition, ajouta-t-il fermement, que Rihab nous accompagne.» «Mais, chéri, personne ne tolérera ça. Vous n’êtes pas mariés, même pas fiancés… Karima est à cheval sur les principes, elle ne saurait accepter cela sous son toit…» «Ce n’est pas mon problème, répliqua-t-il. Le boudin n’a qu’à s’occuper de ses propres affaires…» «Chéri, il faut du temps… Ce n’est pas facile de l’imposer au pied levé à tous…», reprit sa mère qui, pour l’amadouer, fit semblant de le comprendre, de compatir avec lui et, pour le rassurer plus encore, elle se rapprocha de lui pour le prendre dans ses bras. Mais à peine sentit-il la main de sa mère se poser sur son épaule qu’Aymen la repoussa brutalement avant de s’éclipser…» (Extrait du chapitre 3).
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