L’attentat terroriste perpétré le 9 mai 2023 lors du pèlerinage juif de la synagogue de la Ghriba à Djerba, en Tunisie, a fait cinq morts, deux pèlerins et trois agents de sécurité, et six blessés. Au-delà de ce triste bilan, son impact sera encore plus lourd pour la Tunisie.
Par Raouf Chatty *
La Tunisie subira en effet les conséquences néfastes de cet attentat dans divers domaines au cours des prochaines années. Les parties impliquées dans cette affaire sont connues de tous. Elles ne pourront pas se dérober. Et doivent assumer leurs responsabilités, directes et indirectes, et rendre des comptes à la mesure des torts qu’elles ont causés au pays. J’en cite en particulier ceux et celles qui se réclament de l’islam politique, qui est à mille lieux des messages de l’islam qui sont propres à toutes les religions : paix, amour, fraternité et solidarité…
L’attaque de Djerba est bel et bien un acte terroriste. Le qualifier autrement ne cachera nullement sa nature intrinsèque. Au contraire, il place l’Etat dans une position de fuite en avant et ne l’aidera point à affronter les problèmes en face et le discréditera au plan international.
L’extrémisme religieux mène tout droit au terrorisme
Cette attaque confirme si besoin est que la culture extrémiste et fanatique menant tout au droit au terrorisme couve encore dans le pays. Il met en évidence la profondeur du mal causé à la société durant la décennie où le parti islamiste Ennahdha avait conduit le pays. Se servant à leur manière de la religion musulmane, les islamistes ont abusé de la bonté de larges franges de Tunisiens leur vendant chimères et utopies.
L’échec du système éducatif et les défaillances de l’Etat, des médias, des partis politiques, des associations, qui n’ont pas joué leur rôle dans l’éducation des masses à la tolérance, ont aggravé la situation.
Des fanatiques biberonnés à la culture islamiste durant la précédente décennie sous la conduite des islamistes pourraient frapper à tout moment. Le fait que ce parti, actuellement en disgrâce, essaye maintenant de faire profil bas en attendant des jours meilleurs, témoigne de sa duplicité et ne saurait nullement l’affranchir de ses responsabilités en la matière. Il a des comptes à rendre à la société et il doit le faire publiquement et sans délai…
Cette attaque met également en évidence le fait que l’Etat, en dépit des succès enregistrés dans la lutte contre le terrorisme durant les dernières années, a encore un travail de titan à faire pour se réformer (il est inadmissible qu’un membre des forces de sécurité puisse commettre un tel acte!), réformer la société, les lois, l’école…, notamment par l’enseignement de la philosophie, pour promouvoir l’esprit critique et combattre le fanatisme. Il s’agit aussi d’interdire les partis qui se réclament de la religion et de revoir les politiques relatives aux mosquées, aux lieux de culte et aux associations à vocation religieux.
Cette attaque plonge davantage la Tunisie dans le désarroi, aggrave ses difficultés intérieures et affaiblit sa position internationale. Notre pays offre aujourd’hui l’image d’un pays très affaibli et incapable de faire face à ses problèmes avec ses seuls moyens.
Les démons du repli sur soi et de la haine de l’autre
Perpétrée par un agent de sécurité fanatique, vraisemblablement victime de l’embrigadement religieux et de la culture fanatique propagées dans le pays tout au long de la décennie écoulée, cet attentat est venu mettre en évidence les dangers que représente encore le mouvement islamiste et les menaces qu’il fait peser sur la sécurité, la stabilité, le développement économique et l’image internationale de notre pays.
Celles et ceux qui défendent encore naïvement le parti islamiste au nom de la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales devront prendre conscience de leur erreur et changer d’angle de vue. Les droits humains ne doivent pas servir d’alibi pour couvrir les méfaits des politiques islamistes dont nous avons bavé toute une décennie.
En dix ans, le parti Ennahdha a, en effet, causé d’énormes torts à la Tunisie dans tous les domaines. Notre pays n’a jamais été aussi mal gouverné que sous leur conduite anarchique. Il était livré à des amateurs, rancuniers, opportunistes et prédateurs, animés par la mentalité de la «ghanima» (butin de guerre), qui se sont employés à mettre le pays en coupes réglées pour s’éterniser au pouvoir en plaçant leurs hommes et femmes dans tous les rouages de l’Etat et de l’administration.
Souvenons-nous ! Ils ont dilapidé les richesses nationales, favorisé le départ des jeunes endoctrinés dans les foyers de tension en Libye, Syrie, Irak et autres foyers de tension, enfreint les constantes de la politique étrangère de la Tunisie…
Autant de forfaits qui ne doivent pas être passés sous silence dans le cadre des alliances politiques actuellement en cours. Car la société demande de guérir définitivement des maladies de l’islam politique et elle ne pourra pas rebondir et retrouver la voie du progrès sans s’affranchir préalablement des démons du repli sur soi et de la haine de l’autre.
* Ancien ambassadeur.
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