Après le parlement, c’est la justice qui semble vouloir fonctionner désormais à huis-clos. Jusqu’où pense pouvoir aller l’Etat tunisien dans cette dérive autoritaire et liberticide ? (La presse n’est pas un crime, dit à juste titre le slogan brandi par les journalistes dans l’illustration ci-haut).
Par Imed Bahri
Le premier juge d’instruction près de la 36e chambre du pôle judiciaire antiterroriste a émis une décision interdisant le traitement médiatique des deux affaires de complot contre la sûreté de l’Etat en cours d’instruction.
C’est ce qu’a annoncé Hanen Gaddas, la porte-parole officielle du pôle judiciaire antiterroriste dans une déclaration l’agence officielle Tunis Afrique Presse (Tap), ajoutant que cet avertissement lancé aux médias, notamment audiovisuels, vise à préserver le bon déroulement des enquêtes, le secret de l’instruction et la protection des données personnelles des personnes faisant l’objet desdites enquêtes, selon le texte de la décision.
L’information en voie d’être criminalisée ?
Rappelons que des dizaines de personnes, dirigeants politiques, universitaires, avocats, activistes politiques et militants de la société civile sont incarcérés et poursuivis dans ce cadre de ces affaires sur lesquelles le ministère public est presque totalement muet, les sources dont disposent les médias à leur sujet sont les avocats des prévenus, lesquels savent garder le secret de l’instruction, et les membres de leurs familles.
Si aujourd’hui les médias ne peuvent même plus donner la parole aux avocats et aux parents des prévenus, comment l’opinion publique pourrait-elle être informée du déroulement de ces affaires, à moins que l’information soit devenue, elle-même, un délit sanctionné par la loi. Auquel cas, on se demande à quoi servent encore les médias s’ils ne peuvent plus informer ou s’ils doivent se contenter des bribes d’information que filtrent les autorités publiques, et avec la parcimonie que l’on connaît.
Des décisions liberticides
Cette décision faite suite à l’interdiction aux journalistes d’accéder aux travaux des commissions parlementaires, annoncée cette semaine par le bureau de l’Assemblée et qui a suscité la colère et l’indignation des journalistes à travers leurs organisations professionnelles.
Peut-on ne pas voir dans la concomitance de ces décisions liberticides, qui visent clairement à priver l’opinion publique de toute source d’information indépendante et crédible sur ce qui se passe dans le pays, une politique d’Etat de musellement de la presse ? Après le parlement, c’est la justice qui semble vouloir fonctionner désormais à huis-clos. Jusqu’où pense pouvoir aller l’Etat tunisien dans cette dérive autoritaire et liberticide ?
On souhaite vraiment avoir mal compris la déclaration de Mme Gaddas ou que sa déclaration a été mal rapportée ou surinterprétée par nos collègues de l’agence Tap. Car sinon, il y a vraiment des inquiétudes à se faire, non pas sur l’avenir des médias dans le pays mais sur l’avenir du pays dans son ensemble !
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