L’Onu appelle la Tunisie à «cesser de criminaliser le journalisme indépendant»

Le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a exprimé vendredi 23 juin 2023, à Genève, sa profonde préoccupation face aux restrictions croissantes du droit à la liberté d’expression et à la liberté de la presse en Tunisie, notant qu’une législation vague est utilisée pour criminaliser le journalisme indépendant et étouffer critique des autorités.

«Il est troublant de voir la Tunisie, un pays qui gardait autrefois tant d’espoir, régresser et perdre les gains en matière de droits humains de la dernière décennie», a déclaré Türk.

«La répression menée plus tôt cette année contre les juges, les politiciens, les dirigeants syndicaux, les hommes d’affaires et les acteurs de la société civile s’est maintenant étendue pour cibler les journalistes indépendants, qui sont de plus en plus harcelés et empêchés de faire leur travail», a-t-il déclaré, ajoutant : «J’exhorte la Tunisie à changer de cap.»

Au cours des trois derniers mois, les autorités tunisiennes ont, à cinq reprises, utilisé une législation aux termes vagues pour interroger, arrêter et condamner six journalistes. Cela comprend la législation sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme et le décret présidentiel nº 2022-54 sur la cybercriminalité, qui contient des dispositions ambiguës qui prévoient des amendes punitives et de longues peines de prison pour la publication ou la diffusion de fausses nouvelles, informations ou rumeurs présumées, et autorise les agents des forces de l’ordre à accéder tout système ou dispositif d’information, pour l’inspection et la collecte de données stockées.

Dans la majorité de ces cas, les restrictions imposées à la liberté d’expression de ces journalistes ne semblent pas conformes aux exigences strictes du droit international des droits humains, notamment les principes de nécessité et de proportionnalité.

Depuis juillet 2021, le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies en Tunisie a documenté 21 cas de violations présumées des droits de l’homme contre des journalistes, y compris des poursuites devant des tribunaux civils et militaires. Il y a lieu de croire que ces poursuites ont été engagées pour contrer les critiques publiques à l’encontre du président de la République ou des autorités. «En vertu du droit international des droits de l’homme, toutes les personnalités publiques, y compris les chefs d’État, peuvent légitimement faire l’objet de critiques», rappellent les Nations unies dans leur communiqué.

Le 15 juin, le Bureau du Parlement a décidé d’interdire aux journalistes de couvrir les réunions des commissions parlementaires. Le 17 juin, un juge a interdit aux médias de couvrir deux cas présumés de «complot contre la sécurité de l’État» dans lesquels des dizaines de personnes ont été poursuivies et détenues depuis la mi-février.

«Ces décisions portent atteinte au principe de transparence dans les affaires publiques. Les gens ont le droit d’être informés et pour ce faire, les journalistes doivent pouvoir faire leur travail sans aucune restriction indue», a déclaré le Haut-commissaire. «Faire taire la voix des journalistes, dans un effort concerté, sape le rôle crucial des médias indépendants, avec un effet corrosif sur la société dans son ensemble», a-t-il déclaré.

La Haut-commissaire a appelé les autorités tunisiennes à respecter les normes d’une procédure régulière et d’un procès équitable dans toutes les procédures judiciaires, à cesser de juger des civils devant des tribunaux militaires et à libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, y compris toute personne détenue pour avoir exercé son droit de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations.

Communiqué.

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