Le président Kaïs Saïed continue d’accuser l’administration publique, alliée à de mystérieux groupes d’intérêt, de retarder la mise en œuvre de certains projets dont les financements sont pourtant disponibles dans le cadre d’accords bilatéraux. Ah ces méchants qui complotent contre le bonheur du peuple !
Par Imed Bahri
L’accord relatif au projet de l’hôpital Roi Salman Bin Abdulaziz à Kairouan a été signé en 2017, sous le gouvernement Youssef Chahed. Depuis, le projet sommeille dans les méandres de la bureaucratie tunisienne.
Pour discuter des raisons du retard pris dans la mise en œuvre de ce projet financé par un don de l’Arabie saoudite, le président Kaïs Saïed a convoqué hier, lundi 21 août 2023, une réunion de travail au Palais de Carthage.
La réunion s’est déroulée en présence du Premier ministre Ahmed Hachani, du conseiller du président de la république Mustapha Ferjani, du ministre de la Santé Ali Mrabet, de la ministre des Travaux publics et du Logement Sarra Zaafrani Zenzeri, du conseiller principal du président de la république pour la sécurité nationale Abderraouf Atallah, du gouverneur de Kairouan Mohamed Bourguiba et Rejeb Aroud, PDG de l’Agence foncière d’habitation (AFH).
Demain la veille
Excusez du peu ! Tout ce beau monde pour un projet au financement connu et disponible mais resté dans les cartons pendant six ans et rien n’autorise à penser que les travaux pour sa réalisation effective démarreront demain la veille.
Le communiqué de la présidence de la république diffusé à l’issue de la réunion indique que le président a déclaré que ce retard prive de nombreux citoyens de leur droit légitime à la santé et aux soins et porte atteinte à la crédibilité de l’État tunisien.
Est-ce là une critique adressée à une bureaucratie dont le président est le principal responsable ou une sincère autocritique et un aveu de laxisme et de passivité ?
Il est évident que le président se défausse de ses responsabilités sur les autres puisqu’il a également souligné que les prétextes d’études, les aspects techniques et autres ne sauraient justifier ce retard. Saïed a ajouté que la poursuite des études de 2017 à nos jours est inacceptable. «Les fonds sont alloués, mais chaque fois qu’une étude est terminée, elle est remplacée par une deuxième étude, suivie d’une troisième, et il n’y a aucun effet réel sur les résultats.»
A ce propos, le président omet de préciser qu’il a lui-même voulu changer la nature même du projet en parlant d’une cité médicale à Kairouan et en faisant promulguer, le 28 janvier 2022, dans le Journal officiel, un décret portant création d’une unité de gestion par objectifs pour la mise en place de ce projet et fixant son organisation et les modalités de son fonctionnement.
Rappelons aussi que le chef de l’Etat avait annoncé la création de cette cité médicale dans l’interview qu’il avait donnée à la chaîne Wataniya 1, le 30 janvier 2020, sur ses 100 premiers jours au Palais de Carthage. Et que ce «nouveau ancien projet», annoncé à cor et à cri, a fini par brouiller la vision de ces chers bureaucrates qui, depuis, n’ont pas su sur quel pied danser.
Le temps au temps
Lors de la réunion d’hier, un certain nombre d’autres projets réalisés dans le cadre de la coopération bilatérale, ont également été évoqués. Ces projets avaient été pleinement achevés mais restaient fermés sous prétexte de raccordement aux réseaux de distribution d’eau, d’électricité ou d’assainissement, a précisé le communiqué de la présidence, ajoutant que le président de la république a souligné la nécessité d’accélérer leur mise en œuvre et de demander des comptes à tous ceux qui œuvrent pour en perturber la réalisation, qu’il s’agisse des institutions de l’État ou des groupes de pression qui considèrent les services publics comme une menace pour eux ou préjudiciable à leurs intérêts. Et vlan ! Conclusion par la fameuse théorie du complot si chère au président Saïed : le Palais de Carthage n’assume aucune responsabilité dans le retard mis dans la mise en œuvre de tous ces projets.
Quant aux supposés responsables des retards, ce sont des ombres qui complotent dans les chambres noires, jamais désignés ni nommés ni mis hors d’état de nuire. Allez comprendre pourquoi !
Rendez-vous donc dans six autres années pour voir si l’hôpital Roi Salman Bin Abdulaziz à Kairouan sera enfin sorti des cartons ! Et si on continuera de parler de la Cité médicale de Kairouan ou du TGV Bizerte-Ben Guerdane, également promis par le président Saïed.
Pourquoi se presser, on a le temps ?
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