Né en 1951, à El Hamma, Ammar El Arbi-Zemzemi est poète et essayiste. Enseignant d’arabe dans le secondaire, il a milité au sein de la gauche tunisienne et fut incarcéré. A publié des recueils de poèmes, dont La poésie ne meurt pas et Récit de la chute des Cités, et des essais.
Tahar Bekri
A mon épouse
J’ai vieilli
Et rien que les abîmes du néant à l’horizon
Mon attente s’est éternisée
Et si je n’étais sûr
Que la vie fleurira dans ces lieux
Même dans quelques temps
Je serais parti
Sans tintamarres ni rituels
Comme un vieil éléphant
Qui a pressenti l’approche de la fin
A ma dernière demeure
Au beau milieu du jour
Dis : «Je t’aime»
Le temps ferait marche arrière
Mes cheveux blancs disparaîtraient
Et je deviendrais tout de vigueur
Sans sagesse qui tue le rêve en nous
Et assassine en nous la folie juvénile
Mon ancien rêve ressusciterait
Comme un sphinx qui renaît de ses cendres
Se secouant de mille manières de la poussière
Des Cités idéales s’élèveraient
Sans repus ni affamés
Ni oppression ni mépris
Ni gardes ni chiens
Ni soldatesque ni état de siège
Ni fomenteurs de discordes ni prédicateurs
Qui légitiment le sang versé des innocents
L’excision et l'agression des fillettes
Enfant je redeviendrais
Galopant sur un cheval en palmes sans feuilles
Et rêvant comme les adultes
De libérer Badrou-l-boudour * emprisonnée
Derrière les murailles de la citadelle d’un ghoul**
Et toi tu redeviendrais séduisante sans collier
Ni bague ni bracelet
Tes cheveux noirs en vol sur tes épaules
Ta taille brillerait comme le soleil de midi
Nul maquillage que celui de tes lèvres
La rougeur des joues
Et comme khol***ces yeux tout noirs
Féminine tu es en personne
Tu n’envies aucune autre pour sa beauté factice
Dis : «Je t’aime»
Les torrents inonderaient les sables des déserts
Les ronces fleuriraient
Tous les corbeaux changeraient en rossignols
Tous les porcs deviendraient des cerfs
Et le soleil brillerait sans qu’il soit jour
Dis : «Je t’aime»
Ne rougis pas
L’amour n’a pas d’âge
Ô toi qui illuminas ma vie
Aucun amour ne vaut celui des personnes en âge
Je serais le messager d’un amour heureux
Qui enterrerait les larmes intarissables des amoureux
El Hamma, 2016.
Récit de la chute des Cités (Traduit par l’auteur, revu par Tahar Bekri).
* La Belle au bois dormant
** L’ogre.
*** Maquillage traditionnel pour les yeux
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