A l’Association d’éducation relative à l’environnement (Aere), nous avons à maintes reprises, et notamment sur Kapitalis, tiré la sonnette d’alarme quant à la situation catastrophique de la plage du centre-ville d’Hammamet communément appelée par les locaux «Plage Yasmina». Aujourd’hui, il n’est pas exagéré de dire que nous assistons indifférents à la mort de cette plage qui est le symbole, l’emblème et la carte postale de Hammamet. (Illustration : Plage Yasmina grignotée par l’érosion, avant et maintenant).
Par Salem Sahli *
Etat des lieux:
En effet, le rythme et l’ampleur de l’érosion n’ont jamais été aussi importants. La plage a reculé de plus de 10 m en deux ans et les experts ne sont guère optimistes quant à l’évolution ultérieure de cette plage. Près de deux hectares de sable ont été submergés par la mer entre 2012 et 2019. Le Club nautique fut englouti en 2020. Les canalisations des eaux usées qui courent le long du littoral (quelle idée de les aménager à proximité de la mer !) sont à découvert depuis plusieurs mois du fait de l’avancée de la mer. Quelques-unes sont endommagées et se déversent directement dans l’eau tandis que d’autres menacent de se rompre entrainant une pollution marine avec des conséquences environnementales et surtout sanitaires. La santé de la population est désormais en danger et l’on risque la réapparition d’un cortège de maladies oro-fécales que l’on croyait disparues : poliomyélite, fièvre typhoïde, infections intestinales diverses, hépatite A, etc.
La mer menace à présent le mur d’enceinte et les maisons donnant sur la plage qu’elle finira par démolir si rien n’est fait. D’ailleurs, certaines demeures, comme « Dar Laveau » ne tiennent que grâce aux racines solides des eucalyptus géants. Mais pour combien de temps ? Ce n’est qu’un sursis.
Dialogue de sourds et bricolage
Et pendant ce temps, nos décideurs, à mille lieux des réalités, passent leur temps à se chamailler et se renvoyer la balle. La Municipalité accuse l’Agence de protection et d’aménagement du littoral (Apal) et cette dernière fait la sourde oreille ou assure que les études sont en cours. Pour l’Office national de l’assainissement (Onas), le déplacement ou le remplacement des canalisations est trop coûteux. Bref, un dialogue de sourds entre des institutions sensées collaborer pour résoudre le problème, d’autant plus qu’il y a péril en la demeure. Et l’on continue d’ignorer les appels de la société civile locale qui, depuis des années et à maintes reprises, a tiré la sonnette d’alarme sur ce sujet, organisé nombre de tables rondes et séminaires et alerté les autorités en charge de la gestion du littoral. Mais rien n’y a fait. Côté décideurs, c’est circulez, y a rien à voir.
Au mois de juillet 2023, dans l’urgence, Madame le Gouverneur de Nabeul a certes pris la décision d’alimenter la plage en sable provenant d’une carrière voisine à Bordj Hfaiedh. Plusieurs tonnes de sable ont été déversées à la hâte sans études préalables ni sur la qualité des sédiments apportés, ni sur la nécessaire stabilisation et fixation des dunes de sable artificiellement aménagées. Résultats des courses : A la première tempête, c’est retour à la case départ et la mer a fini par rejeter ce qu’elle considère comme un corps étranger ne faisant pas partie de son milieu ou de son écosystème naturel.
Que faire maintenant ?
Dans l’urgence, il faut colmater les fuites d’eaux usées et veiller à ce qu’aucune goutte d’eau polluée ne se déverse dans la mer. Il y va de la santé de la population.
A moyen terme, il faut d’abord remplacer le réseau d’assainissement et le déplacer loin de la mer. Cette solution est certes coûteuse, mais elle est beaucoup moins coûteuse que les conséquences économiques, sociales, sanitaires et écologiques si rien n’est entrepris, à fortiori dans une ville où le tourisme représente la colonne vertébrale de l’économie locale.
Il faut aussi trouver des solutions à la question de l’érosion marine et pour cela, l’Agence de protection et d’aménagement du littoral (Apal), dont la raison d’être est la protection du littoral, qui assiste sans broncher à la mort de la plage, sorte de son sommeil et assume ses responsabilités. Ne rien faire les rend complices et s’ils n’ont pas le courage et/ou les moyens de s’acquitter de leur mission, ils ne leur reste qu’une solution : dégager.
Enfin, il faut cerner les responsabilités et désigner les coupables afin que de tels gâchis ne se reproduisent plus.
Vu l’ampleur des problèmes et l’urgence de la situation, l’intervention de l’état avec ses agences et structures régionales est fortement recommandée. Et ce ne sera que justice rendue à Hammamet, une ville qui a tant servi l’économie nationale et continue de le faire.
Nous demandons par ailleurs aux habitants, associations, organismes professionnels, syndicats, partis politiques et surtout aux jeunes de se mobiliser sur 3 fronts : Une campagne médiatique offensive (conférences de presse, articles de presse, radios, télés, réseaux sociaux…) ; des actions citoyennes (Sit-in, rassemblement, marche citoyenne, chaîne humaine…) et surtout le dépôt d’une plainte contre les responsables.
* Président de l’Aere.
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