Le poème du dimanche : ‘‘Chansons de l’héritier dilapidateur’’ de Zakariya Muhammad

Né en 1950, à Naplouse, Zakariya Muhammad est poète, romancier, journaliste, auteur pour jeunesse. L’une des voix importantes de la poésie palestinienne.

Zakariya Muhammad a publié de nombreux recueils et des ouvrages dans le domaine du mythe ancien. Il vécut en exil dans différents pays arabes jusqu’à son retour en Palestine occupée, en 1994. Il seconda Mahmoud Darwich dans la rédaction de la revue Al-Karmal.

Sa poésie, à l’élan philosophique, est sans rhétorique, ni discours pesants. Elle soulève tragédie et silence, vertige de la condition humaine, portée par une écriture limpide, sans fioritures de langage. Il décède à Ramallah, en août 2023.

En 2010, je reçois de lui son recueil ‘‘Ahjar al baht’’ (pierres d’aigles) par l’intermédiaire d’un ami commun, le poète tunisien Khaled Najjar, c’est en son souvenir que ce poème est traduit.

Tahar Bekri

J’ai hérité de mon père argent et immobilier

J’ai tout dilapidé

Je ne l’ai pas dépensé aux jeux

Ni vécu dans l’opulence

Ni suivi les plaisirs de mon corps

Dans les petites choses j’ai dilapidé mon héritage

Ma maison en est remplie :

Un âne magnifique en bois d’olivier de Jérusalem

Une antilope de chine sculptée de grains de riz

Une pierre d’aigle qui noue la langue du Khorassan

Une assiette en faïence

Sur laquelle il y a un serpent qui se mord la queue

2

Je travaille aujourd’hui comme cordonnier

Je vis en recousant les chaussures

Quand mon ventre est plein

Et que je boive un verre de vin

Je reviens chez moi

Je fixe

Entre lumière et obscurité

Mon âne en bois magnifique

Le serpent qui se mord la queue

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Personne ne s’intéresse à ce que je possède

Je ne le montre à personne

Mais j’ai mis des miroirs sur les murs

Pour multiplier mes objets

Et les rendre plus nombreux :

L’âne devient un troupeau d’ânes en bois d’olivier

Je deviens vingt hommes

Leurs soucis est de dilapider leur fortune dans les choses

Sans importance

4

Ceux qui considèrent les petites choses sont dans les tombes

Personne

Pour frapper sa tête contre le mur

admirer l’adresse du fabriquant

Personne

Pour couper son doigt qui ne peut sculpter

quelque chose d’aussi magnifique sur des grains de riz

Mon heure est proche

Après moi le monde sera creux

Personne ne sera en mesure de comprendre le serpent qui

se mord la queue

Aujourd’hui je brûlerai mes objets

Il approche lui aussi…

‘‘Ahjar al-baht’’ (pierres d’aigle)

Traduit de l’arabe par Tahar Bekri

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