Pour entamer l’année 2024 avec les meilleures dispositions pour mettre en route les réformes que nécessite l’état de délabrement de son économie et de ses finances, l’Etat tunisien doit montrer l’exemple en réduisant son train de vie et en prenant sa part des sacrifices qu’il ne cesse de demander aux citoyens et aux entreprises.
Par Elyes Kasri *
Les préparatifs de la loi de finances pour l’année 2024 devraient permettre d’envisager une panoplie de mesures susceptibles de montrer à nos partenaires étrangers l’engagement indéfectible de la Tunisie à renouer avec la bonne gouvernance et une relance durable et équitable.
Outre une plus grande rationalisation du budget de l’Etat avec un meilleur contrôle du fardeau de la compensation par une plus grande rationalisation des prix et de la consommation, de la masse salariale avec l’allègement de la fonction et du secteur publics de la horde d’intrus et de détenteurs de faux diplômes et de qualifications douteuses, en plus de la réduction du déficit commercial avec la suspension du hautement préjudiciable accord de libre échange avec la Turquie, l’Etat pourrait, en plus d’une réforme fiscale audacieuse, plus équitable et moins onéreuse pour les contribuables et l’entreprise, lancer un signal très fort en réduisant son train de vie par l’adoption d’un gouvernement de salut national avec une réduction sérieuse du nombre de ministères et la création de pôles gouvernementaux de nature à faciliter les réformes et réduire les procédures administratives pour la prise des décisions et leur mise en œuvre.
Il faut dégraisser le mammouth
Ainsi, de 24 ministères, le gouvernement tunisien pourrait être ramené à 11 ministères avec les quatre pôles gouvernementaux suivants:
-Pôle Economie, finances et commerce;
-Pôle Education, développement des compétences et emploi;
-Pôle Relations et coopération internationales et affaires consulaires;
-Pôle Santé, affaires sociales, femmes et personnes âgées;
Ainsi, outre la présidence du gouvernement, le nouveau gouvernement tunisien pourrait être structuré autour des ministères suivants:
1- Intérieur, Collectivités locales et Environnement;
2- Justice, Domaines de l’Etat et Affaires foncières;
3- Défense nationale,
4- Affaires étrangères, Coopération internationale, Communication extérieure et Tunisiens à l’étranger;
5- Economie, Industrie, Energie, Finances et Commerce;
6- Santé, Affaires sociales, Femme, Enfance et Personnes âgées;
7- Agriculture, Pêche et Ressources hydrauliques;
8- Tourisme et Culture;
9- Jeunesse, Sports et Affaires religieuses;
10- Education, Formation professionnelle, Emploi, Enseignement supérieur et Recherche scientifique;
11- Equipement, Habitat, Transport et Technologies de la communication.
Il faut reconnaître qu’avec 24 ministres pour une population de moins de 12 millions d’habitants, la Tunisie dépasse de loin les ratios internationaux notamment en comparaison avec les Etats-Unis d’Amérique (15 ministres pour 340 millions d’habitants), la République Fédérale d’Allemagne (16 ministres pour 83,3 millions d’habitants), le Japon (19 ministres pour 123,3 millions d’habitants), la Chine (21 ministres pour 1,425 milliard d’habitants) et l’Espagne (22 ministres pour 47,5 millions d’habitants).
Pour une répartition équitable des sacrifices
Outre la masse salariale ainsi allégée en personnel administratif, attachés de cabinet et chargés de mission jouissant d’une panoplie d’avantages en nature sans aucune commune mesure avec l’état de l’économie nationale et les sacrifices attendus des citoyens et des entreprises, une approche audacieuse pourrait être adoptée pour réformer en profondeur la fonction et le secteur publics en vue de mettre fin définitivement à la mentalité de Beylik et de «mosmar fi hit» ou «clou dans le mur» (expression populaire pour désigner le privilège d’appartenir au secteur public, Ndlr).
Le paradoxe des voitures de service et de fonction devra être réglé radicalement et définitivement afin de mettre fin au gaspillage et aux abus dont le maintien tend à discréditer les appels aux sacrifices et à la rationalisation des dépenses et de la consommation.
L’année 2024 pourrait être celle de la relance en toute autonomie et indépendance des diktats étrangers pourvu qu’elle soit abordée avec courage, lucidité et une répartition équitable des sacrifices et des fruits de la reprise de la croissance.
L’Etat peut et doit donner l’exemple en se mettant à la hauteur des exigences du salut national et de la relance, principal garant de la souveraineté nationale.
Tel sera le plus grand défi de la Tunisie en 2024 et sa plus grande opportunité pour renouer avec la croissance et sa stature internationale de digne héritière de la légendaire Carthage et verrou stratégique de la Méditerranée.
* Ancien ambassadeur.
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