Le projet de loi criminalisant la normalisation des relations avec Israël a de fortes chances d’être adopté par le parlement tunisien où de plus en plus voix s’élèvent pour appeler à son examen en urgence, à la faveur de la guerre que livre actuellement l’Etat hébreu aux populations palestiniennes.
Par Imed Bahri
Le parlement tunisien a discuté lors de sa session ordinaire de jeudi 12 octobre 2023 d’une demande écrite signée par 97 membres pour l’examen urgent d’un projet de loi criminalisant la normalisation des relations avec l’Etat d’Israël.
Ce projet de loi, qui avait été renvoyé à la commission des questions juridiques et des droits des citoyens, avait été proposé à plusieurs reprises depuis 2011. Il a été discuté mais n’a pas été adopté. Cependant, l’évolution de la situation politique dans le pays depuis la proclamation de l’état d’exception par le président Kaïs Saïed, le 25 juillet 2021, semble lui avoir donné de meilleures chances d’être voté par une assemblée presque totalement acquise à ce dernier, qui, on le sait, n’a jamais fait mystère de son antisionisme, lors de sa campagne électorale en 2019 et même après son entrée au palais de Carthage.
Depuis l’élan de solidarité inconditionnelle exprimé par l’écrasante majorité des Tunisiens avec la population palestinienne suite aux bombardements meurtriers de Gaza par l’armée israélienne, cette semaine, ce projet de loi a revêtu une certaine urgence au regard de ceux qui se présentent comme représentants du peuple.
Il convient de noter dans ce contexte que la Délégation permanente de la Tunisie auprès de la Ligue des États arabes a présenté des réserves globales à la déclaration n° 8987 émise par la réunion ministérielle de la Ligue arabe lors de sa session extraordinaire du 11 octobre.
Cette déclaration, qui traitait des moyens d’action pour arrêter l’agression israélienne et parvenir à la paix et à la sécurité, mettait l’accent sur «la cessation immédiate de la guerre israélienne contre Gaza» et appelait toutes les parties à faire preuve de retenue, tout en condamnant le ciblage et le meurtre de civils des deux côtés. A Tunis, elle n’a pas été jugée suffisamment acquise aux droits des Palestiniens et ne condamnait pas clairement l’occupation israélienne.
L’opposition tunisienne, qui a toujours rivalisé avec le pouvoir en matière d’antisionisme, de solidarité avec les Palestiniens et d’hostilité envers l’Etat d’Israël, milite elle aussi clairement pour l’adoption de ce projet de loi. On ne la voit pas, en tout cas, s’y opposer ouvertement au risque de se voir davantage coupée des électeurs qui font aujourd’hui bloc autour de Saïed, malgré son très maigre bilan. La voie est donc balisée pour l’adoption de ce projet de loi avec une très confortable majorité et il est peu probable qu’une fois voté, le président Saïed se permette de sursoir à sa ratification et à sa publication au journal officiel, au risque de décevoir ses électeurs à quelques mois d’une présidentielle qu’il brigue clairement.
Ce serait alors un tournant historique dans un pays qui a toujours su, sous Bourguiba et Ben Ali, se tenir à l’écart des bruits et fureurs du Moyen-Orient. Comme quoi, près d’un demi siècle après sa mort, Nasser est en train de faire des enfants… à Tunis.
Wait and see…
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