En 75 ans d’occupation israélienne de la Palestine, les Arabes ont alterné les guerres et les offres de paix sans parvenir à faire avancer la cause palestinienne. Seul résultat : une irrésistible expansion territoriale israélienne soutenue par les puissances occidentales. C’est que les guerres comme les offres de paix ont toujours accusé un retard.
Par Dr Abderrahmane Cherfouh *
Les Palestiniens et les Arabes en général auraient beaucoup gagné à écouter le président tunisien Habib Bourguiba qui, dès 1948, leur a conseillé d’accepter les différentes résolutions onusiennes afin de mettre la pression de la communauté internationale sur l’Etat hébreu qui, lui, rejetait toutes ces résolutions, qui risquaient de mettre un coup d’arrêt à ses ambitions expansionnistes. Ils auraient dû faire la paix avec l’État hébreu, en négociant en position de force pendant qu’il était temps.
En politique, il faut toujours saisir l’opportunité quand elle se présente. Les véritables hommes d’Etat ont cette intuition de pouvoir changer l’ordre des choses, de ne pas rater les occasions et d’agir sur le cours des événements et de les transformer à leur avantage.
Les grands visionnaires qui font l’histoire ont cette intelligence des situations qui leur permet de prendre les devants en prenant des décisions engageant favorablement la destinée de leurs peuples.
Un visionnaire voué aux gémonies
C’est le cas, par exemple, de Bourguiba. Les Arabes et les Palestiniens avaient raté le coche en 1965 quand le président tunisien avait prononcé son discours à Ariha (Jéricho) où il a appelé les Arabes et les Israéliens à faire la paix.
J’ai toujours considéré Bourguiba comme le président le plus intelligent et le plus pragmatique du monde arabe. Il est vrai que, par la suite, il a mal vieilli et n’a plus été que l’ombre de lui-même en s’accrochant vaille que vaille au pouvoir. Mais à l’époque, il avait prononcé un discours qui est resté mémorable dans le camp des réfugiés palestiniens à Ariha. Il avait demandé aux Palestiniens d’accepter la proposition onusienne de l’époque qui consistait à partager la Palestine en deux parties, presque égales, la moitié pour les Palestiniens et l’autre aux Israéliens.
Si cet accord avait été accepté, il aurait ouvert la voie à la création de deux Etats, l’un palestinien et l’autre israélien, et aurait contribué à assurer la paix et la stabilité dans la région. Mais les Arabes de l’époque, à leur tête le zaïm égyptien Nasser, qui voulait incarner le nationalisme arabe, avaient mal accueilli cette proposition de Bourguiba, le considérant comme un traître à la nation arabe et à la cause palestinienne, et le Tunisien était devenu la risée des Arabes et la principale cible de leurs médias, qui l’ont injustement voué aux gémonies.
Deux ans plus tard, Israël déclenchait la troisième guerre israélo-arabe dite des Six Jours, et occupait le Sinaï, la bande de Gaza, la Cisjordanie, Jérusalem-Est et le plateau du Golan. Le sort de la Palestine était scellé et, forts de leur conquête de nouveaux territoires occupés, les Israéliens allaient se retrouver en position de force pour refuser de se conformer à la résolution 242 du Conseil de sécurité qui prévoyait l’évacuation des territoires occupés en échange de la reconnaissance mutuelle de tous les Etats de la région et de l’établissement de la paix.
Il y eut ensuite la guerre d’octobre 1973 et l’attaque surprise d’Israël par l’Egypte qui avait réussi à détruire la ligne Bar Lev, mais la guerre s’acheva sans vainqueur, ni vaincu, et les Egyptiens finirent par comprendre que pour espérer assurer leur sécurité et récupérer leur territoire perdu, ils devaient se rendre à l’évidence que faire la guerre à Israël c’est faire la guerre aux États-Unis et à l’Europe.
L’histoire va donner raison à Bourguiba. Les Egyptiens n’avaient plus le choix, ni leur destin entre leurs mains et finiront par établir des relations diplomatiques avec Israël en adoptant un profil bas, pour quelques poignées de dollars et en se mettant, toute honte bue, sous la protection américano-israélienne.
Des Etats arabes ennemis de leurs peuples
Pour le reste, on peut palabrer longtemps, le monde arabe est une chimère et n’est qu’un mythe construit sur du sable mouvant. Les Etats arabes ne font que s’épier les uns les autres et réprimer leurs peuples. La guerre entre l’Arabie Saoudite et le Yémen en est la parfaite illustration. Au Soudan, en Syrie et en Libye, la guerre civile bat son plein. Partout dans le monde arabe, c’est l’instabilité qui règne. Les potentats écrasent leurs peuples et font régner la terreur. Aucune critique n’est tolérée et la démocratie n’est pas encore près d’être instaurée.
Alors, parler de trahison, multiplier les soutiens verbeux et bavards aux Palestiniens dans des salons feutrés et lancer une pétition contre la lâcheté des dirigeants locaux n’ont aucun intérêt. C’est de l’hypocrisie pure et simple. Traîner Israël devant la Cour pénale internationale (CPI) serait de la poudre aux yeux. Car la CPI a de tout temps été utilisée comme un instrument aux mains de l’Occident et a servi son intérêt. C’est une institution aux ordres. Elle a toujours appliqué les directives de ses mentors. Elle mène le même combat et partage les mêmes convictions que l’Occident et ce n’est un secret pour personne. Elle ne peut pas aller contre ses propres intérêts en s’opposant à ses principaux bailleurs de fonds.
* Médecin algérien opérant au Canada.
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