Il y a parmi les praticiens qui réalisent les angioplasties coronaires de sacrés personnages, qui ont le culot pour s’engager dans une procédure récusée par le staff d’un grand hôpital universitaire.
Par Dr Mounir Hanablia *
Un patient présentant une sténose serrée de la partie terminale du tronc commun de la coronaire gauche et de la partie initiale de son prolongement, l’artère interventriculaire antérieure, avait été à juste titre destiné à la chirurgie par le staff d’un grand hôpital universitaire. Ce patient a abouti on ne sait pas trop comment, sur les conseils d’une relation ou d’un membre de la famille, ou un collègue de travail, entre les mains d’une sommité de la profession, qui après avoir visualisé la coronarographie, ou peut être en en lisant uniquement le rapport, estimé qu’une angioplastie coronaire était possible.
Finalement, la procédure a été réalisée, un stent mis en place, et un rapport concluant au «succès» de la procédure a été délivré dont la lecture laisse toutefois perplexe. Un stent de 4 mm a été placé à cheval sur les deux artères, et ce calibre, admissible sur un tronc commun, n’était pas si habituel sur une interventriculaire antérieure. Le stent, une fois déployé, couvrait comme c’était prévisible les origines de deux artères, la circonflexe dont l’importance n’est pas précisée, et la diagonale. Qui plus est, inévitablement dans une artère plus petite qu’un stent, l’ouverture de ce dernier avec une pression de plusieurs atmosphères peut provoquer des ruptures de plaques, parfois même des dissections ou des perforations.
Ne jamais perdre de vie les conséquences peu souhaitables
Dans le cas qui nous intéresse, le rapport a admis l’existence d’une «encoche» à la sortie du stent et au-delà, traitée d’une manière jugée satisfaisante par des inflations au ballon seul. Le problème est évidemment que cette opération de maquillage, non accompagnée de stent, peut engendrer ce qu’on appelle une resténose, quelques semaines ou quelques mois après. Autrement dit, l’artère peut se reboucher, et pour y parer il faut placer un second stent. Mais en règle générale dans le cas où la procédure n’est pas conforme à l’Accord préalable accordé par la Cnam, le remboursement de la procédure est rejeté et autant le médecin, que la clinique, sont lésés, ce qui pose un autre problème, financier cette fois.
Pour en revenir à la procédure, il fallait en outre dégager l’origine des deux artères mentionnées, la circonflexe et la diagonale, en ouvrant les mailles du stent situées sur leurs origines. Cela a été fait au ballon seul, mais ainsi qu’on l’a vu, le ballon peut provoquer des resténoses, cette fois sur des origines d’artères que le rapport qualifiait de saines. Qui plus est l’inflation d’un ballon sur une branche collatérale à un stent provoque la déformation du stent, et c’est pourquoi la technique du kissing est alors pratiquée, à savoir l’inflation concomitante d’un second ballon dans ce même stent. Cela n’a pas été pratiqué et le rapport médical a justifié cette abstention par le caractère sain des ostiums (origines) des artères considérées, des ostiums que l’inflation du ballon dans les mailles du stent n’a pu qu’altérer.
Le Dieu des narcissiques pervers
Pour conclure, je fais partie de la génération pour qui il était interdit de dilater et de stenter un tronc commun. Les indications ont certes évolué, mais il fallait déjà une bonne dose de cynisme et de culot pour s’engager dans une procédure récusée par le staff d’un grand hôpital universitaire, même en étant un habitué des plateaux télévisés. Et en fin de compte, à la lecture du rapport, il est apparu que le succès de la procédure, manifestement limitée par le souci financier d’en obtenir le remboursement par la Cnam, ne fut pas aussi avéré que ce qui en a été écrit. Mais comme il existe un Dieu, même pour les narcissiques pervers, six années après, le patient n’a pas présenté de complications, et c’est tant mieux pour lui.
Néanmoins cela confirme bien le rôle joué par les figures emblématiques de la profession, qui estiment ne pas encourir le risque de procès en étant les chevaux de trait du complexe médico-financier.
Dans ce cas, il y a une utilité publique certaine à redéfinir ce que l’on nomme compétence professionnelle; du moins dans le domaine de la cardiologie, qui demeure si chère à mon cœur.
* Médecin de libre pratique.
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