«Pour relancer la création de richesses dans le pays, il faudrait peut-être faire sortir le budget dédié à l’investissement du cadre de la loi de finances et trouver un nouveau mécanisme pour financer l’investissement, qui pourrait être confié à la Caisse des dépôts et consignations», estime Mohamed Louzir, secrétaire général de la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI).
«La CDC pourrait à la fois rassembler l’actif de la Tunisie, lever la dette nécessaire et s’entourer d’investisseurs en mesure d’investir, d’une manière pérenne, des montants dépassant les 10 et 15 milliards de dinars par an pour que la Tunisie retrouve le chemin de la croissance», a-t-il enchaîné dans une déclaration à l’agence Tap, en marge d’un séminaire sur le thème «Loi de finances 2024 : Quel impact sur l’entreprise ?», organisé, mercredi 17 janvier 2024, à Tunis, par la CTFCI.
Louzir a rappelé que «l’enveloppe dédiée à l’investissement dans le cadre de la Loi de Finances 2024 est estimée à 5,274 milliards de dinars. C’est un montant qui servirait à peine, à mon avis, à subvenir aux besoins de maintenance des infrastructures existantes et qui ne pourrait en aucun cas, financer de nouveaux projets dans des secteurs stratégiques : éducation, transport, santé…».
Chute de l’investissement public
«L’investissement public stagne autour de 4 milliards de dinars depuis 2010. Il représentait alors 20% du budget de l’Etat, contre 6,7% en 2023 et 2024. Cette faiblesse de l’investissement public devrait avoir un impact significatif sur la croissance économique», a-t-il encore indiqué.
Pour le secrétaire général de la CTFCI, «l’investissement public représente un signal de confiance. Si l’investissement public est au rendez-vous, l’investissement privé suivra et inversement. Un dinar d’investissement public est égal à 2 à 3 dinars d’investissements privés». Et d’ajouter : «Il y a un autre moteur toujours non exploité en Tunisie, celui du partenariat public-privé. On en parle beaucoup mais sa mise en œuvre tarde à avoir lieu parce qu’on ne sait toujours pas gérer un partenariat public-privé en Tunisie».
Revenant sur les principaux indicateurs de la Loi de Finances 2024, Louzir a indiqué que «le taux de croissance économique est estimé à 2,1% pour 2024, contre un taux de 1,8% prévu par la LF 2023 et 0,9% prévu par la LF rectificative 2023. Mais encore faut-il pouvoir atteindre ce taux».
«Le déficit budgétaire, sans comptabilisation des dons et des revenus des biens confisqués, sera de l’ordre de 10 644 MDT, soit 6,6% du PIB. Les recettes de l’Etat sont estimées à 49 160 MDT en hausse de 6% par rapport à la LF 2023 et de 8% par rapport à la LF rectificative 2023. Les recettes fiscales ont évolué de 9% par rapport à la LF 2023 et de 12% par rapport à celle rectificative 2023. Cette augmentation des recettes fiscales ouvre la voie à une pression fiscale aigue de l’ordre de 25,1%», a expliqué l’expert économique.
Hausse des dépenses de l’Etat
«Les dépenses de l’Etat sont estimées à 59 805 MDT en évolution de 11% par rapport à la LF 2023 et de 7% par rapport à la LF rectificative 2023. Les salaires à distribuer en 2024 s’élèvent à 23 711 MDT, soit la rubrique la plus lourde en termes de dépenses. On est à des niveaux très élevés de rémunération publique avec à peu prés 700 000 fonctionnaires. Cependant, le niveau de rémunération individuel n’est pas élevé. Baisser les salaires n’est donc pas une solution, licencier les fonctionnaires n’est pas non plus la solution. Il faut plutôt faire en sorte que les fonctionnaires produisent plus de valeur», a-t-il aussi considéré. Et d’ajouter : «Les besoins de financement sont estimés à 28 708 MDT ce qui représente 16% du PIB contre 14% en 2022 et 9% pour la période 2015-2019. Il est prévu que la dette de l’Etat augmente à la fin de l’année 2024 à 139 997 MDT, soit une augmentation de 9% par rapport à 2023. Cette dette serait de l’ordre de 79, 81% du PIB à la fin de 2024, contre 80,20% en 2023».
Autant de challenges, pas faciles à lever, par les autorités tunisiennes dans un contexte économique mondial compliqué.
En termes d’impact sur l’entreprise, «il faut s’attendre à plus d’impôts à payer surtout pour les entreprises opérant dans certains secteurs notamment financiers. L’entreprise sera également confrontée à l’absence de mesures majeures favorisant l’investissement, hormis la mini-amnistie fiscale mise en place au profit de certaines entreprises, à l’inflation élevée et à l’assèchement de la liquidité sur le marché local à cause du recours excessif à l’endettement intérieur par l’Etat».
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