«Malgré toutes les contraintes auxquelles ont fait face les finances publiques en 2023 et de la difficulté d’accès aux financements extérieurs, la Tunisie a remboursé toutes ses dettes intérieures et extérieures au titre de l’année 2023», a fait savoir lundi, la ministre des Finances Sihem Nemsia, cherchant ainsi à dissiper les doutes sur la possibilité d’un défaut de paiement agitée par plusieurs analystes financiers.
La ministre, qui ouvrait un débat sur la «Loi des Finances 2024 et les nouvelles dispositions fiscales», organisé à Tunis par le Conseil des chambres mixtes de Tunisie, a souligné «qu’au cours de l’année 2023, les finances publiques ont connu de grandes difficultés en raison d’un contexte régional et international très tendu et d’une exacerbation des changements climatiques, ayant généré une hausse des taux d’inflation et des prix des produits de première nécessité à l’échelle mondiale». Et d’ajouter «ces contraintes réunies ont fortement impacté les équilibres financiers de la Tunisie, réduisant fortement les marges de manœuvre des autorités pour maîtriser les taux d’endettement et faire face aux dépenses publiques indispensables et parfois imprévisibles, malgré les bons résultats enregistrés au niveau de la mobilisation des ressources fiscales et de l’amélioration des performances de certains secteurs (services, tourisme… )».
Le tableau rose d’une économie en berne
Nemsia a indiqué que «le projet tunisien des grandes réformes est un projet global caractérisé par une vision équilibrée entre un volet social plaçant la classe moyenne et les couches vulnérables parmi ses premières priorités, et un volet économique visant à récompenser le travail et à renforcer l’initiative privée et la création de la richesse».
La Loi de Finances (LF) 2024 s’inscrit, selon la ministre, dans cette optique et vise à garantir l’équilibre entre deux enjeux fondamentaux: la relance de l’économie et le rétablissement de la confiance des investisseurs et le rétablissement progressif des équilibres des finances publiques, à travers l’encouragement de la réalisation d’un développement global et durable, la lutte contre l’exclusion financière des PME, la mise en place d’un système qui consacre la justice fiscale, la lutte contre l’évasion fiscale et l’intégration de l’économie parallèle
Cette loi a aussi pour objectifs «l’optimisation des avantages fiscaux en les orientant vers les secteurs prometteurs (les énergies renouvelables, les économies verte, bleue et circulaire et le développement durable)», a dit la ministre, ajoutant qu’«elle vise, en outre, à consacrer davantage le rôle social de l’Etat en soutenant l’inclusion financière des catégories vulnérables et à faible revenu, en garantissant l’approvisionnement du marché en produits de première nécessité et en adoptant des instruments alternatifs pour financer les dépenses de subventions ».
Toujours selon Nemsia «la LF 2024 a prévu plusieurs mesures pour soutenir le secteur de l’agriculture, de la pêche et des ressources hydriques et ce, en continuant à soutenir les petits agriculteurs, en facilitant leur accès au financement et en allégeant la fiscalité appliquée à certains produits fourragers». Le texte n’a, toutefois, pas prévu de mesures visant à supprimer des avantages fiscaux accordés aux opérateurs économiques ou à augmenter la charge fiscale, d’après la ministre. «Bien au contraire, il a instauré une panoplie de mesures visant à soutenir les entreprises afin de préserver leur pérennité, soutenir leur restructuration, améliorer leur trésorerie, faciliter leur accès au financement et favoriser l’initiative privée», insisté la ministre.
Dissiper les doutes sur un défaut de paiement
Sihem Boughdiri a visiblement voulu dissiper les doutes sur la possibilité d’un défaut de paiement redouté par plusieurs analystes financiers, sachant que la Tunisie doit payer 4 milliards de dollars de dettes extérieures en 2024, soit une augmentation de 40% par rapport à 2023, et qu’elle a du mal à réparer ses finances publiques en difficulté.
Les économistes disent que la Tunisie a fortement contracté de nouveaux prêts internes pour rembourser ses dettes extérieures, ce qui a considérablement réduit la liquidité et a contribué à réduire le financement de l’économie par les banques. Ce qui a contracté la croissance et multiplié les pénuries de produits de première nécessité. Ils pensent que la situation sera très difficile cette année de 2024 au milieu de l’augmentation de la dette extérieure et de la difficulté de recourir à plusieurs reprises aux prêts internes.
Le gouvernement s’attend à ce que la dette publique accumulée en 2024 atteigne environ 140 milliards de dinars (45,17 milliards de dollars), soit environ 79,8 % du PIB, contre 127 milliards de dinars en 2023. Si on prend compte de la dette des sociétés d’Etat (presque 140 entreprises publiques), le taux de la dette publique frôlerait les 111% du PIB.
Face à des chiffres aussi inquiétants, on aurait du mal à suivre Mme Nemsia dans son optimisme béat.
I. B. (avec agences).
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