Le journal israélien Israel Hayom a déclaré, dimanche 11 février 2024, qu’il existe de sérieuses craintes que l’armée israélienne ait été exposée à de profondes opérations de contre-espionnage de la part du mouvement Hamas avant l’opération Déluge d’Al-Aqsa qui a eu lieu le 7 octobre 2023 et la guerre qui a suivi et qui dure depuis plus de quatre mois à laquelle Tel Aviv est jugé pour crimes de génocide devant la Cour internationale de justice (CIJ). Une enquête interne au sein de Tsahal a été ouverte. (Illustration : des activistes du Hamas pénètrent dans des zones militaires sensibles en Israël, le 7 octobre 2023).
Par Imed Bahri
Le quotidien israélien de droite proche des milieux du pouvoir cite un officier des renseignements militaires israéliens (Aman) que le journal décrit comme un vétéran sans le nommer. Celui-ci a déclaré: «Il existe de sérieuses inquiétudes quant au fait que l’armée israélienne ait été exposée à de profondes opérations de contre-espionnage de la part du Hamas avant la guerre. La commission d’enquête devra se demander d’où le Hamas a obtenu autant d’informations internes sur ce qui se passait dans les bases militaires israéliennes les plus secrètes».
L’officier a estimé que les Brigades Ezzeddine Al-Qassam, la branche militaire du Hamas, disposaient d’informations sur des sites très sensibles de l’armée israélienne qui restaient secrètes même au sein de l’armée elle-même d’où les sérieuses inquiétudes israéliennes d’une éventuelle infiltration ou de taupes en son sein.
Double échec en matière de renseignement
«Nous devons savoir comment ces informations leur parviennent», a insisté l’officier des renseignements militaires. Il a poursuivi en pointant du doigt le double échec du Shin Bet (ex-Shabak, sécurité intérieure): «Ce sont des détails que les dirigeants de l’armée israélienne ne disent même pas à leurs amis. Cela signifie un double échec en matière de renseignement pour les services du Shin Bet qui aurait dû collecter des informations sur les plans du Hamas mais comme on le sait, il n’a pas réussi à le faire. Le Shin Bet est également chargé d’empêcher le contre-espionnage, ce qui signifie ne pas permettre à l’ennemi de collecter des informations à l’intérieur d’Israël.» Il conclut: «Nous savons désormais que le Hamas en savait beaucoup sur nous à un niveau qui va au-delà de la simple collecte d’informations à partir de drones et de surveillance».
Cet épisode montre la vulnérabilité d’Israël. On est loin de l’image de la citadelle impénétrable qui espionne tout le monde et sait tout sur tout le monde mais que personne ne parvient à espionner et sur laquelle on ne sait rien. Déjà, cette image a pris un coup en 2021 quand un repris de justice de 37 ans, Omri Goren Gorochovsky, est parvenu à échapper aux mailles du filet des services de sécurité israéliens et à se faire recruter comme homme de ménage chez Benny Gantz alors ministre de la Défense. Normalement, pour travailler chez un responsable de ce rang, il faut l’autorisation des services de sécurité qui donnent leur aval après enquête sur la personne en question ce qui ne fut pas le cas pour Gorochovsky. Une fois recruté, il a contacté les Iraniens via une messagerie cryptée et proposé ses services notamment qu’il pouvait dérober le contenu de l’ordinateur de Gantz avec une clé USB. Il finira par être arrêté et les services israéliens avaient affirmé que l’arrestation a eu lieu in extremis et que Gorochovsky n’était pas parvenu à envoyer des informations sensibles aux Iraniens.
Une citadelle désormais pénétrable
Par conséquent, l’épisode de l’homme de ménage de Gantz était un coup porté à l’image de citadelle impénétrable que veut véhiculer Israël mais là, avec ces doutes sérieux sur l’espionnage de l’armée israélienne par le Hamas, cette image est complètement ébranlée. Et ces doutes sont d’autant plus justifiés que les Brigades Ezzeddine Al-Qassam ont attaqué le 7 octobre des sites du renseignement militaire israélien dont l’emplacement est secret et ils y ont pris des ordinateurs et des documents confidentiels tout en enlevant des officiers du renseignement qu’ils détiennent aujourd’hui à Gaza. Ces sites ne peuvent être attaqués qu’avec une connaissance préalable de leur emplacement.
Certains analystes ont même évoqué que la fameuse unité 8200 de Tsahal spécialisée à la fois dans l’espionnage via les écoutes téléphoniques mais aussi la cyber-influence a été attaquée en indiquant qu’elle se trouvait à mi-chemin entre Gaza et le désert du Néguev.
Il est indéniable que l’opération Déluge d’Al-Aqsa avec ce qui l’a procédée en terme d’espionnage sur Israël pour pouvoir être menée et en terme des informations sur lesquels le Hamas a mis la main lors de l’opération elle-même éclabousse mentalement les Israéliens qui ont une arrogance bien ancrée en eux les amenant à se considérer supérieurs aux autres notamment les Palestiniens qu’ils ont fini par croire pouvoir dominer. Cette arrogance a été bien sanctionnée le 7 octobre 2023. Sans parler du fait que ne pas avoir pu empêcher l’opération Déluge d’Al-Aqsa est en soi un échec à la fois politique, militaire et du renseignement en dépit de toutes les alertes dû à cette même arrogance comme nous l’avons relevé dans un précédent article intitulé «Les stéréotypes sur les Arabes à l’origine de la débâcle israélienne du 7 octobre».
En définitive, c’est plus qu’une enquête au sein de l’armée israélienne qui doit être menée mais une opération de profonde remise en cause parce que l’arrogance leur a coûté très cher surtout avec un adversaire aussi intelligent qu’insaisissable comme Yahya Sinwar qui a ébranlé les fondations de l’entité artificielle israélienne qui est basée sur le génocide, le déplacement forcé des populations palestiniennes, la spoliation de leurs terres mais aussi sur la domination psychologique.
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