Le célèbre journaliste et écrivain israélien déplore le fait que le gouvernement israélien de droite dirigé par Benjamin Netanyahu n’ait pas aujourd’hui de véritable alternative, puisque toute la classe politique israélienne est dans une dangereuse posture de va-t-en-guerre.
Par Gideon Levy *
Il a été prouvé une fois de plus qu’il n’y a pas d’alternative à Netanyahu, qu’il s’agisse d’une véritable alternative ou d’une véritable opposition. Les votes importants à la Knesset qui ont eu lieu la semaine dernière, ainsi que le comportement des partis centristes pendant la guerre, démontrent clairement qu’il n’y a pas beaucoup de différence entre la droite, le centre et la gauche sioniste sur les questions fondamentales qui définissent l’image de l’État, en termes d’occupation, de guerre et de démocratie. Nous sommes tous préoccupés par ces questions, vivant dans un pays où il y a une seule voix et une seule opinion : ensemble, nous gagnerons !
Ces choses sont surprenantes étant donné la lutte politique bruyante qui a actuellement lieu entre les camps. Tout le monde parle de division, de rupture, alors qu’il n’y a vraiment pas de véritables divergences d’opinions.
On aurait pu penser qu’Israël dans la guerre aurait été un pays différent s’il avait été dirigé par Benny Gantz [actuel ministre de la Défense allié à Netanyahu, qu’il espère remplacer, Ndlr], Gadi Eisenkot [ancien chef d’état major des armées, Ndlr] ou Yair Lapid [ancien Premier ministre et actuel chef de l’opposition, Ndlr]. Certainement pas. Leur comportement personnel aurait certainement été plus droit et plus humble. Mais le résultat serait étonnamment similaire. Voici les preuves…
Le coup d’État régulier a gagné
Par une majorité embarrassante, 99 voix contre 9, la Knesset a soutenu la résolution du gouvernement s’opposant à la reconnaissance «unilatérale» d’un État palestinien. Des âmes se sont révoltées et des mains se sont levées pour soutenir massivement le rejet israélien [d’une telle reconnaissance, Ndlr]. Ce pays, qui a adopté depuis des temps immémoriaux une politique d’occupation et de colonisation, et qui est essentiellement unilatérale, se fout du monde entier et s’unit entièrement contre une démarche unilatérale dont le contenu a été accepté par la moitié des membres de la Knesset. Quelle honte! Mais ce n’est pas surprenant.
Il y a quelque chose qui n’était pas moins attendu, c’est la quasi-unification autour de l’exclusion du député Ofer Cassif (1). Désormais, nous ne parlons plus des Palestiniens et des «territoires» [de la Cisjordanie]; on parle désormais de démocratie, qui est la question qui a préoccupé l’État plus que d’autres au cours de l’année écoulée.
Israël était divisé en grande pompe entre les gardiens de la démocratie et ceux qui œuvraient à sa destruction. Lors du premier test de démocratie, presque tous se sont unis dans un processus hautement antidémocratique. La plupart de ceux qui luttent contre le coup d’État systémique, presque tous ceux qui font entendre leur voix en faveur de la démocratie, ont levé la main en faveur de la destitution du membre de la Knesset en raison de ses positions et de sa vision du monde, ou ont lâchement évité le vote.
Une honte qui ne peut être pardonnée
Le coup d’État régulier a gagné cette fois, non seulement avec les voix de la droite, mais aussi avec les voix du «camp officiel», du «Nouvel Espoir», du «Il y a un avenir» et même du parti Travailliste. La fuite de Gantz, Eisenkot, Lapid, Merav Michaeli [cheffe du Parti travailliste, Ndlr] et de leurs amis a été une honte pour ceux qui sont fiers de la lutte pour la démocratie. Ils ont dû voter «contre» à haute voix. En fin de compte, ils savaient que le succès de l’opération avec Cassif, contrecarrée par seulement cinq voix, aurait conduit à l’exclusion de tous les membres arabes de la Knesset, mais ces derniers y ont échappé. C’est une autre honte et une autre honte qui ne peut être pardonnée.
En fin de compte, le comportement en temps de guerre ; au début, la gauche et le centre ont soutenu toutes les guerres d’Israël, qu’elles soient justifiées ou criminelles. Mais ils se sont vite réveillés, et toutes ces guerres leur étaient opposées. Mais contre la guerre brutale et inutile d’Israël, il n’y a même pas une seule voix opposée à la Knesset, même après quatre mois et près de 30 000 morts palestiniens, à l’exception de la voix des membres arabes de la Knesset.
Un certain nombre de non-droitiers soutiennent la guerre au sein du gouvernement, et un certain nombre d’autres la soutiennent de l’extérieur. Et tout le monde chante ensemble la même chanson dans une chorale dirigée par la droite. Le monde entier appelle à la fin de la guerre, mais il manque même un seul membre sioniste à la Knesset pour le faire. Démocratie? Opposition? Alternative ? Pas ici et pas maintenant.
La haine de Netanyahu nous rappelle l’existence d’une sorte de coalition et d’opposition, mais c’est avant tout une haine personnelle. C’est un menteur, il aime les plaisirs, il est corrompu, il ne pense qu’à lui, il a abandonné les otages (Israéliens aux mains du Hamas, Ndlr], il s’est vendu à la droite kahaniste (2) et l’a légitimée, et peut-être qu’il y était tout le temps. Tout cela est vrai et exaspérant, mais aucune alternative en vue. Oui, il s’avère que cela n’existe pas. Ensemble, nous gagnerons très bientôt.
* Journaliste et écrivain israélien, membre de la direction du quotidien Haaretz.
Notes :
1- Le député communiste israélien, qui a soutenu la saisie de la Cour internationale de justice (CIJ) par l’Afrique du Sud pour des faits de génocide contre Israël, a subi des attaques de la part de toute la classe politique israélienne et a failli être exclu de la Knesset. Mais il a échappé de peu l’exclusion.
2- Le kahanisme est une idéologie extrémiste juive issue du sionisme religieux et développée par le rabbin Meir Kahane, fondateur de la Jewish Defense League et du parti politique Kach et Kahane Chai en Israël. Le parti Kach est considéré comme organisation terroriste et a été interdit dès 1994 par le gouvernement israélien et le département d’État américain.
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