Les organisations de la société civile tunisienne craignent que le gouvernement envisage de les priver de financements étrangers sous prétexte de lutter contre le blanchiment d’argent et le terrorisme.
Selon un projet de loi soutenu par le président de la république Kaïs Saïed, les autorités de l’État devraient approuver tout financement étranger destiné aux ONG opérant dans le pays.
Les associations de défense des droits de l’homme craignent qu’il s’agisse d’une autre mesure répressive dans un pays connu comme le berceau des manifestations du Printemps arabe il y a plus de dix ans.
Interrogé au sujet de ce projet de loi par l’agence AFP, Clément Nyaletsossi Voule, rapporteur spécial de l’Onu sur la liberté de réunion et d’association, a déclaré que ce texte «donne également des pouvoirs excessifs à l’autorité qui peut, selon son ordre du jour, refuser une association», ajoutant que «le décret de 2011 est un acquis de la révolution qui doit être préservé».
Cette loi actuellement en vigueur permet la création d’une organisation sur simple notification au gouvernement, sans nécessiter d’approbation. Cela a permis l’épanouissement d’ONG travaillant sur des questions politiques et sociales, telles que les droits des femmes et des LGBTQ, l’emploi des jeunes ou la préservation de l’environnement. Leur défense des libertés, notamment de la presse, a vu l’émergence de médias indépendants. Cela «ne signifie pas que les autorités ferment les yeux», a ajouté Voule, estimant que le gouvernement peut toujours examiner «l’agenda des organisations et s’il existe un risque imminent pour la sécurité».
Avant d’apporter des changements radicaux au système, a déclaré le rapporteur de l’Onu, «les autorités doivent ouvrir des discussions avec la société civile».
«Le but du projet de loi est de restreindre la société civile, son financement, son activité et de limiter son travail à certains sujets suggérés par l’autorité politique», a déclaré Bassem Trifi, président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH), également cité par l’AFP. Si le projet de loi est adopté, prévient-il, «la Tunisie perdra sa société civile et tout le travail qu’elle a accompli». Elle perdra aussi les financements étrangers des organisations, dont la plupart ne reçoivent que peu ou pas d’argent public alors que le pays est frappé par la récession et très endetté. Des dizaines de milliers d’emplois assurés par ces organisations seront également perdus.
I. B.
Donnez votre avis